La Victoire de Wellington ou la bataille de Vittoria

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour « La Victoire de Wellington ou la bataille de Vittoria ».

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

De nombreux biographes de Beethoven ont été embarrassés face à la partition de cet opus 91, Wellingtons Sieg – Alfred Einstein prétend même qu’il s’agit là du« point le plus bas de son œuvre ». Le succès et la popularité de cette peinture musicale d’une bataille (divisée en deux « sections » : bataille et symphonie de la victoire) l’ont fait paraître suspecte, notamment en raison de son aspect programmatique. On a perdu de vue les conditions historiques dans lesquelles l’œuvre a été composée. Le 27 juillet 1812, les troupes napoléoniennes provoquent des troubles militaires et civils depuis plus d’une décennie dans toute l’Europe lorsque la nouvelle de la victoire de Vitoria arrive enfin à Vienne : Lord Wellington a déjà mis en déroute les troupes napoléoniennes près de la ville basque le 21 juin, mettant ainsi fin à la domination française sur la péninsule ibérique. Après ce succès, le courage revient parmi les forces de coalition, qui remportent alors la bataille de Leipzig en octobre de cette année-là : c’est le début de la fin pour Napoléon.

Lorsque cette pièce et la Septième Symphonie de Beethoven sont jouées pour la première fois à l’Université de Vienne les 8 et 12 décembre 1813, toutes les batailles n’ont pas encore été livrées, mais les plus décisives oui. C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’ampleur et le succès de ce concert, organisé au profit des soldats autrichiens et bavarois handicapés lors de la bataille de Hanau. L’orchestre d’une centaine de personnes réunit les meilleurs musiciens de la ville, avec Schuppanzigh au premier violon. Beethoven dirige, et les applaudissements sont qualifiés d’« indescriptibles » : « La renommée de Monsieur Beethoven est ainsi rétablie ; il est reçu avec enthousiasme à chaque représentation », dit la Wiener allgemeine musikalische Zeitung.

La suite est en revanche peu glorieuse. Beethoven avait à l’origine écrit la Symphonie de la Victoire (la deuxième partie de l’œuvre) pour la Panharmonica de Johann Nepomuk Mälzel, un automate musical tout à fait sensationnel pour l’époque. Mälzel avait toutefois interprété l’œuvre avec un orchestre munichois sans avoir consulté l’auteur au préalable, et une exécution à Londres était également en négociation. Beethoven engagea alors une procédure judiciaire concernant la paternité de l’œuvre et résuma les conditions de sa création : d’abord, il aurait écrit la Symphonie de la Victoire pour la panharmonie de Mälzel « de sa propre initiative […] et bénévolement ». Mälzel l’aurait ensuite approché avec le souhait d’une transcription « pour orchestre », qu’il aurait également réalisée. Mais Beethoven aurait déjà eu précédemment l’idée d’une grande musique de bataille qu’il voulait placer en première partie, et celle-ci n’était musicalement « pas applicable » au panharmonica. Beethoven explique que Mälzel pensait à tort qu’il était le « propriétaire exclusif de cette œuvre » parce qu’il avait – en guise de compensation, pour ainsi dire – fabriqué des « appareils auditif » pour Beethoven, mais ces dernières n’étaient, dit encore Beethoven, « pas assez performants pour moi ».

La procédure n’a pas abouti ; par ailleurs, Beethoven et Mälzel se sont apparemment réconciliés par la suite. Dans la critique d’une partition pour piano de Gottfried von Weber, le morceau en question est décrit comme une « œuvre importante – un morceau très exigeant ». Cela montre à quel point cette Victoire de Wellington a été un sujet de discussion encore en 1826. Beethoven, cependant, a annoté ce passage par une remarque plutôt indécise : « pas du tout, ce n’est qu’une pièce à jouer à l’occasion, et encore ».


Aufnahme auf idagio


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