L’enseignement du jazz dans les HEM suisses

Le jazz fait partie des multiples facettes de la scène musicale suisse. Un aperçu de l’histoire et du développement des filières jazz aux Hautes Écoles de Musique suisse et un rapport sur les archives de jazz suisses swissjazzorama.

Thomas Dobler — Afin d’avoir une explication de l’enseignement du jazz, il est inévitable d’essayer de définir et décrypter cette musique qui nous passionne. Des nombreuses tentatives à ce propos ont été faites durant les cent dernières années. Pour certains, le jazz est « la » musique du 20e siècle. Pour d’autres, le jazz est considéré comme « la » musique des Afro-Américains. D’autres encore disent que le jazz, c’est « la » musique improvisée. Pour les certains, le jazz signifie la rébellion, la résistance ou alors le combat de liberté. Pour d’autres, c’est une musique qui consiste principalement du « groove ». On pourrait établir une longue liste de clichés, parfois presque caricaturaux. Au bout du compte, on se retrouve dans tous les cas dans une véritable jungle de style.

Heureusement, le jazz se démontre malin. Il ne se laisse pas cataloguer. Il s’est développé et continue à se développer. Il n’a jamais été possible de le piéger dans des catégories dogmatiques et inflexibles. Même les disputes entre les traditionalistes et les modernistes dans les années 50 et 60 se sont perdues dans le néant. Néanmoins, la question « qu’est-ce que le jazz ? » continue à faire objet de discussions, notamment entre musiciens et au sein des institutions professionnelles. Le défi pour ces dernières est en effet énorme.

Le jazz a toujours été marqué par le mélange d’influences et de style. C’est en quelque sorte le fruit artistique des échanges culturels et par conséquent l’expression de la liberté. Le jazz se nourrit de la tradition afro-américaine, mais aussi des tendances les plus actuelles, y compris de la musique électronique. Il se nourrit également de toutes les musiques dites classiques, notamment le baroque, la musique impressionniste et expressionniste. Ensuite, le jazz s’inspire fortement de la musique afro-cubaine, la musique brésilienne, la musique de l’Afrique de l’ouest, de l’Inde, de la musique du monde tout court. L’échange est crucial. Il semble donc évident que le musicien jazz devrait faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. Il devrait à la fois jouir d’une large connaissance de la tradition, et en même temps toujours se diriger vers l’inconnu.

Jazz, c’est un état d’esprit

Miles Davis disait que le jazz n’est pas une musique. C’est un état d’esprit ! Il avait probablement raison. Mais comment se positionner en tant que Haute École de Musique (HEM) ? On ne peut pas enseigner un état d’esprit. Mais on peut enseigner la musique dans sa plus grande diversité. Ceci afin que les étudiants puissent développer leur personnalité ainsi que leur état d’esprit propre à travers des riches expé-riences.

Jusque dans les années 1960, les musiciens qui voulaient apprendre à jouer du jazz en Suisse le faisaient de manière autodidacte. Les quelques offres de formation créées durant l’entre-deux-guerres à la Musikakademie de Zurich (1935), au Conservatoire de Bâle (1940) et au Lycée musical de Genève (1941) n’avaient pas pu s’établir de manière durable. Les livres sur le jazz étaient rares et les disques chers. On apprenait donc en jouant avec des collègues expérimentés, en écoutant et copiant le peu d’enregistrements dont on disposait. Dans ce contexte, de nombreux musiciens amateurs étaient à la recherche de conseils et d’initiation professionnelle. En réponse à cette demande, des cours de jazz sont mis sur pied entre 1958 et 1961 à Zurich, Bâle et Berne. En 1967, la Swiss Jazz School ouvre ses portes à Berne et propose une formation calquée sur le programme du Berklee College of Music de Boston. Par rapport à l’enseignement, les Etats-Unis avaient à cette époque une avance considérable, malgré une grande popularité du jazz dans toutes les régions de l’Europe. En Suisse romande, entre 1979 et 1982, trois conservatoires classiques, le Conservatoire de Musique de Fribourg, le Conservatoire Populaire de Musique (CPM, Genève) et le Conservatoire de Montreux ouvrent des sections jazz. Les années suivantes voient la création de l’École de jazz et de Musique Actuelle (EJMA) dans trois villes romandes : à Martigny en 1983, à Lausanne en 1984 et à Sion en 1986.

Ensuite, le domaine du jazz en Suisse franchit un véritable cap dans les années 2000. Lors de la réforme de Bologne, les Hautes Écoles de Musique de Lausanne, Berne, Lucerne et Zurich intègrent des filières jazz. Quelques années plus tard, les HEM de Zurich et Lausanne ouvrent également des départements des Musiques Actuelles. Dans la foulée, des filières préprofessionnelles se mettent en place dans toute la Suisse. La DKSJ (Direktorenkonferenz der Schweizer jazzschulen) réunit les cinq départements jazz des HEM suisses ainsi que la plupart des « Pre-Colleges » et autres écoles jazz des quatre coins du pays. Cette institution est particulièrement précieuse comme lieu d’échange et réalise régulièrement des projets en commun. Globalement, on peut dire que le rayonnement national et international se développe et devient de plus en plus important. Ainsi, en l’espace d’une quarantaine d’années, on est passé en Suisse d’une scène amateur et d’un apprentissage informel à des formations professionnelles de niveau tertiaire, donc à des cursus d’études structurés qui débouchent sur des diplômes de Bachelor et Master, reconnus au niveau fédéral.

Anticipation des
développements

En parallèle, le domaine du jazz a énormément évolué. Sur un point artistique, mais aussi sur un point d’environnement musical. La révolution numérique a fondamentalement changé notre métier ainsi que le marché de travail. Tous les départements jazz des HEM Suisse suivent ce développement, notamment dans le domaine de l’informatique musicale ainsi que dans le domaine du studio et enregistrement. Les compétences visées et requises pour le « musicien d’aujourd’hui » ont tendance à se multiplier très rapidement. Il faut être à la fois généraliste et spécialiste. Dans ce contexte, il n’est pas toujours facile de mettre en place un plan d’étude cohérent qui répond à tous les besoins. D’autant plus que les HEM devraient anticiper certaines évolutions. C’est la raison pour laquelle la plupart des écoles ont mis en œuvre des possibilités d’individualisation du cursus afin de permettre un maximum de profils diversifiés. Cependant, avec cette multitude d’alternatives, il n’est pas toujours évident pour un jeune musicien de trouver son identité artistique. L’accompagnement par les professeurs est très important, mais ne peut jamais remplacer les expériences pratiques. La concurrence parfois rude dans tout le secteur de la musique sur un niveau international ne facilite pas cet enjeu.

Il faut impérativement avoir un esprit d’entrepreneur avec un bon sens pour l’innovation. L’élan très dynamique que l’on trouve actuellement au sein des départements jazz des HEM Suisse favorise le développement de ce « nouveau » modèle de musicien. Toute cette énergie positive mérite d’être entendue. Dans ce sens, espérons une fin de la pandémie très rapide et une reprise de la culture fulgurante !

Thomas Dobler

… est adjoint de direction département jazz, responsable de la filière Bachelor jazz et responsable de la filière Masteren Interprétation option Performer-Composer à l’HEMU (Haute École de Musique Vaud Valais Fribourg).

Matthias von Orelli — Das Schweizer Jazzarchiv schaut auf eine spannende Geschichte zurück. 1989 als Verein Pro Jazz Schweiz gegründet war er das Ziel, einerseits das vorhandene Bild- und Tonmaterial zu archivieren, andererseits Informationen aus der Vergangenheit und Gegenwart der Schweizer Jazzszene zu sammeln. 1996 wurde das Archiv zunächst an die Jazzschule Basel übergeben, ehe man im Jahr 2000 nach Uster umzog. In demselben Jahr fand auch die Umbenennung in swissJazzorama statt. In den folgenden Jahren wuchsen die Archivbestände immer weiter an, gleichzeitig hat die Sammlung an Bedeutung gewonnen, da sie wichtige kulturhistorische Werke der Schweizer Jazzlandschaft aufbewahrt, die sowohl für die Wissenschaft wie auch für die Öffentlichkeit aufbereitet werden. Mit dieser Entwicklung wird dem Vereinszweck Rechnung getragen: Das systematische Zusammentragen und Aufbereiten von repräsentativen Informationen und Dokumenten zu Geschichte und Gegenwart des Jazz im Allgemeinen und in der Schweiz im Speziellen.

In naher Zukunft ist die Fusion des Archivs mit der ZHdK geplant, womit swissJazzorama zur Abteilung Jazz der Musikhochschule Zürich gehören würde. Diese Überleitung hätte den Vorteil, dass das Archiv von den verschiedenen Disziplinen der ZHdK profitieren könnte, also nicht nur vom Departement Musik, sondern beispielsweise auch vom Departement Design. Mit diesem Schritt würde auch die wichtige, sinnvolle und zeitgemässe Zusammenarbeit zwischen Wissenschaft und Archiv gestärkt. Zusätzlich ergibt sich aus dieser Zusammenarbeit eine Chance für Studierende, welche sich als Helferinnen und Helfer engagieren könnten.

Bis heute gilt das swissjazzorama als die zentrale Archiv- und Informationsstelle zum Thema Jazz in der Schweiz1. Die Website ermöglicht den Zugriff auf das enorm umfangreiche Online-Archiv, die Bestände beinhalten Bild- und Tonträger, Bücher, Plakate, Fotografien, Presseartikel und Instrumente. Rund 3500 Bücher zum Thema Jazz (Biografien, Nachschlagewerke, Diskografien, thematische und musikwissenschaftliche Werke) sind aktuell einsehbar, im Fotoarchiv finden sich unter anderem historische Fotos und Aufnahmen von Musikern und Jazzpersönlichkeiten, die die Schweizer Jazzszene prägten oder immer noch prägen, und im Notenarchiv lagern Handskizzen sowie Eigenkompositionen von Musikern aus der Schweizer Jazz-Szene, aber auch Noten von «Standards», die mit Randnotizen bezüglich Arrangements oder Harmonie-Modulationen versehen sind. Rund 4200 Plakate beleuchten grafisch die Schweizer Jazzszene vom Anfang des 20. Jahrhunderts bis heute.

Damit positioniert sich die Institution als wichtige Anlaufstelle für Studierende, Dozierende, Musik-wissenschaftler und Journalisten, aber ebenso für Jazzfans aller Stil-richtungen.

Note

1. Ebenfalls bedeutend ist das Archiv von Niklaus Troxler, welches die Hochschule Luzern – Musik bewirtschaftet:

> www.willisaujazzarchive.ch

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