Strengthening Music in Society

Lors du congrès de l’Association Européenne des Conservatoires (AEC) qui a eu lieu en octobre 2022 à Anvers, un article intitulé « Musicians as makers in society : a conceptual foundation for contemporary professional higher music education » a fait grand bruit. Celui-ci vise à mettre au cœur de l’espace tertiaire de l’enseignement musical certains concepts comme la citoyenneté artistique, la réflexion critique, l’entrepreneuriat culturel et l’engagement social.

Antoine Gilliéron — Dès lors, comment former aujourd’hui de jeunes musicien.nes de très haut niveau qui soient aussi des artistes capables d’impacter positivement la société au-delà de leur pratique musicale ? Le présent article entend mettre en lumière les bonnes pratiques dans nos Hautes Écoles de Musique quant à ce sujet.

Musician as a maker in society

Les idées énumérées plus haut en lien avec la responsabilité sociale et civique sont explorées au sein de cet article-phare dans leurs interactions avec des concepts historiquement centraux pour l’enseignement de la musique, que sont l’excellence artistique, l’imagination et la créativité ainsi que le patrimoine musical.

En s’appuyant sur la notion ethnomusicologique particulière de musicking (cf. encart), ce dernier fournit des réponses dynamiques aux besoins de la société. Le rôle de musicien.ne étant donc défini comme créateur dans la société, cette vision est étayée d’une part par une immersion dans le milieu artistique et d’autre part par une expérience pratique soutenue au sein de la cité à dessein de garantir une transition vers la vie professionnelle capable de répondre aux problématiques que les communautés rencontrent.

Ainsi, un changement de paradigme est reconnu par toutes les parties prenantes comme nécessaire pour repenser le fondement conceptuel de l’espace musical d’enseignement supérieur. Il s’agit de soutenir et de renforcer les pratiques musicales professionnelles qui vont dans ce sens, en prêtant attention à ce changement de paradigme et aux relations d’interdépendance qu’il met en évidence entre la vision, l’artisanat et l’art d’un.e musicien.ne et son engagement dans et pour la société. Maintenir ce flux énergisant entre l’artisanat artistique et l’imagination d’une part, ainsi que la pertinence et l’engagement sociétaux d’autre part, est un défi central et croissant pour les HEM de notre pays.

Quelques exemples dans les HEM helvétiques

« L’HEMU prend ses quartiers » est un projet de médiation visant à ce que les étudiant.es en Master de pédagogie réalisent un travail de démocratisation de la musique dans les quartiers populaires de Lausanne.

« Les concerts du cœur » soutenus par la HEM Genève – Neuchâtel consiste à faire entrer la musique dans des EMS, hôpitaux et prisons en offrant des concerts gratuits aux populations s’y trouvant.

À Lugano, une initiative de l’école de musique a pour but d’offrir aux élèves ukrainien.nes réfugié.es des cours gratuits dispensés par les élèves en Master de pédagogie et notamment des étudiant.es de nationalité russe et ukrainienne.

Du côté de Bâle, la présence de la Haute École dans la société se manifeste par divers projets comme de la médiation musicale dans les musées, institutions de soins et écoles ou encore des récoltes de fonds pour aider humanitairement l’Ukraine.

« Music in context » à Berne permet de structurer les curriculums via l’organisation des Major et Minor autour de la question centrale de la médiation culturelle et des formats de concerts innovants.

Lucerne, Zurich et Kalaidos aussi proposent de telles initiatives qui sans l’ombre d’un doute apportent énormément à la cohésion sociale, au renouveau du rôle de musicien.ne dans la société ainsi qu’à l’élargissement des perspectives professionnelles pour les étudiant.es en musique.

L’essence de la musique ne réside pas dans les œuvres musicales mais dans la participation à la représentation de celles-ci et à l’action sociale. La musique n’est donc pas tant un nom qu’un verbe : faire de la musique. Faire de la musique, c’est prendre part, sous toutes ses formes, à une performance musicale, et le sens du musicking réside ainsi dans les relations qui s’établissent entre les participant.es (y compris le public) par la performance. La musique fait partie de ce processus iconique et gestuel qui consiste à donner et à recevoir des informations sur les relations qui unissent le monde vivant. Il s’agit en fait d’un rituel par lequel les participant.es non seulement apprennent, mais expérimentent directement la façon dont ils se positionnent ou devraient se positionner en lien avec les êtres humains et le reste du monde. Ces relations idéales sont souvent extrêmement complexes, trop complexes pour être exprimées par des mots, mais elles sont exprimées sans effort par la performance musicale, permettant aux participant.es de les explorer, de les affirmer et de les célébrer. La musique est donc aussi importante pour notre humanité que la participation à des actes de parole, et tous les êtres humains naissent capables d’y prendre part, non seulement en comprenant les gestes existants, mais aussi étant capables de créer les leurs.

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