Musique et droit: Un professeur de musique engagé dans une école peut-il enseigner à titre privé?

Exemple inspiré de la pratique du conseil juridique de la Société suisse de pédagogie mu-sicale. Yvette Kovacs, docteur en droit, conseillère juridique de la SSPM et avocate à Zurich, répond aux questions des membres de la SSPM.

 

Question d’un membre de la SSPM

Un professeur de musique engagé dans une école peut-il enseigner à titre privé?

 

Réponse de Mme Kovacs:

Le principe de la liberté économique inscrit dans la Constitution fédérale vaut aussi pour les professeurs de musique. Il peut toutefois faire l’objet de restrictions légales. Celles-ci diffèrent selon que l’école où est engagé l’enseignant est réglementée par le droit public ou organisée sous le régime du droit privé. Les écoles de droit public sont soumises aux lois et ordonnances cantonales et communales pertinentes. Etant donné qu’en Suisse, celles-ci peuvent donner lieu à des réglementations complètement différentes d’une collectivité à l’autre, il n’est pas possible de donner ici une réponse générale pour ce type d’établissement.

Dans les écoles de droit privé, les conditions d’engagement sont les suivantes:

En principe, les réglementations contractuelles, y compris les règlements qui y sont intégrés, prévalent sur les réglementations légales non contraignantes. Par conséquent, il convient tout d’abord d’analyser le contrat et les règlements du professeur de musique. En l’absence de ré-glementation, ce sont les dispositions du CO (code des obligations) qui s’appliquent. L’art. 321a du CO précise que le travailleur doit exécuter avec soin le travail qui lui est confié, et sauvegar-der les intérêts légitimes de l’employeur. Pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas accomplir du travail rémunéré pour un tiers dans la mesure où il lèse son devoir de fidélité et, notamment, fait concurrence à l’employeur.

Les commentaires et la pratique juridiques permettent de tirer les conclusions suivantes : cette interdiction ne s’applique pas à tous les travaux rémunérés pour des tiers, mais seule-ment à ceux qui lèsent le devoir de fidélité. L’exemple le plus important est la concurrence faite à l’employeur, autrement dit le fait d’offrir des prestations similaires qui couvrent de mêmes besoins des clients et s’adressent au moins partiellement à une même clientèle. A partir du moment où un employeur accepte de conclure un contrat à temps partiel et qu’il doit donc s’attendre, suivant les circonstances, à ce que l’employé travaille aussi avec la même clientèle chez ou pour des concurrents, il consent tacitement à une restriction du devoir de fidélité. Ce-pendant, la pratique en la matière est très restrictive et ce type de concurrence n’est accepté que si tout conflit d’intérêt notable peut être exclu. Une violation du devoir de fidélité, suivant sa gravité, peut donner lieu à un avis formel ou à une résiliation ordinaire, voire immédiate. A cela peuvent s’ajouter des dommages-intérêts pouvant conduire à la restitution de l’ensemble des gains provenant des activités concurrentielles.

Concrètement, cette situation juridique permet de donner la réponse suivante:

Un professeur de musique employé à plein temps (100%) dans une école privée ne peut en aucun cas enseigner parallèlement à titre privé. S’il est engagé à temps partiel, on peut partir du principe que l’employeur sait ou devrait savoir que le professeur doit aussi travailler ailleurs pour compléter son revenu, et cela d’autant plus que son taux d’activité est réduit. Cette pos-sibilité est en principe autorisée.

Cependant, le devoir de fidélité lui interdit d’accomplir des travaux qui pourraient faire concur-rence à l’employeur, comme proposer un enseignement privé à une même clientèle (p. ex. donner des cours privés à des adultes tout en occupant un poste de professeur de musique dont l’enseignement est aussi suivi par des adultes). C’est pourquoi je recommande instam-ment aux personnes qui souhaiteraient donner des cours privés parallèlement à un emploi dans une école de musique, d’en discuter avec le directeur de l’école et de conclure un accord écrit attestant que le directeur a été informé de l’activité d’enseignement privé et qu’il l’a auto-risée. Si la personne est engagée dans une école de musique fréquentée exclusivement par des enfants et des jeunes gens et que ses cours privés ne sont proposés qu’à des adultes, la situation est différente. Dans ce cas, son activité d’enseignement privé ne fait pas concurrence à celle de l’école de musique et est donc permise. Il va de soi que l’enseignement privé doit se faire dans des locaux privés, autrement dit que les locaux de l’école ne doivent jamais être uti-lisés à cet effet sans autorisation spéciale de l’école (p. ex. contrat de location). De même, il est interdit de faire de la publicité dans l’école pour sa propre activité d’enseignement privé sans une autorisation de la direction de l’établissement.

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