Musique et droit : dois-je accepter une réduction de mon taux d’activité peu avant mon départ à la retraite?

Exemple inspiré de la pratique du conseil juridique de la Société suisse de pédagogie musicale. Yvette Kovacs, docteur en droit, conseillère juridique de la SSPM et avocate à Zurich, répond aux questions des membres de la SSPM.

 
Question d’un membre de la SSPM : je travaille depuis de nombreuses années dans mon école de musique et arrive bientôt à la retraite. L’école de musique a-t-elle le droit de déjà engager un nouvel enseignant et lui attribuer toutes les nouvelles inscriptions?

Réponse d’Yvette Kovacs:

1. En premier lieu se pose la question de savoir si, d’après votre contrat de travail ou en vertu du droit coutumier, vous aviez droit jusqu’ici à l’attribution de toutes les nouvelles inscriptions. Il convient de vous en assurer en contrôlant votre contrat de travail, les règlements éventuels et la façon dont les nouvelles inscriptions ont été attribuées concrètement jusqu’ici.

2. Si vous n’avez pas de droit ni contractuel ni coutumier sur les nouvelles inscriptions, il est tout à fait licite que celles-ci soient attribuées à un nouvel enseignant avant votre départ à la retraite.

3. Si vous avez un droit sur les nouvelles inscriptions, les principes suivants s’appliquent:

-L’attribution d’un élève à un nouvel enseignant est à considérer comme une résiliation partielle de votre contrat de travail. Celle-ci doit se faire dans la forme et dans les délais prévus par le contrat. Si c’est le cas, la résiliation par l’employeur n’est soumise à aucune restriction, notamment quant à sa motivation.

-L’employeur est toutefois tenu, en vertu de son devoir d’assistance à l’égard de l’employé, de ne pas prononcer de licenciement abusif. Un licenciement abusif peut se présenter si un employé a travaillé de manière irréprochable pendant des dizaines d’années pour son employeur et qu’il est licencié quelques mois avant son départ à la retraite ordinaire. L’employeur doit permettre à l’employé d’achever son activité professionnelle sans subir de préjudice financier, dans la mesure où aucun motif impérieux ne justifie une résiliation du contrat de travail. Le cas échéant, il faut procéder à une pesée des intérêts, sachant que l’intérêt de l’employé âgé, qui ne trouvera plus d’emploi peu avant son départ à la retraite, pèse beaucoup dans la balance. En revanche, si un comportement fautif peut être reproché à l’employé, l’intérêt légitime de l’employeur à le licencier peut se révéler prédominant. Des raisons factuelles, comme la mise au courant en temps voulu du nouvel enseignant, peuvent aussi justifier une résiliation partielle.

-Dans le cas présent, il convient donc de peser les intérêts des personnes concernées. Votre intérêt en tant qu’enseignant ayant travaillé de manière irréprochable pendant de très nombreuses années pèse beaucoup. L’intérêt des nouveaux élèves à bénéficier d’une continuité dans l’enseignement est certes lui aussi considérable, mais d’un autre côté il peut être judicieux pour eux de « passer » par plusieurs enseignants et apprendre ainsi à connaître différentes techniques. C’est pourquoi j’estime pour ma part que votre intérêt l’emporte, en sachant toutefois qu’un tribunal pourrait porter un jugement différent. Il s’agit en l’occurrence d’une question d’appréciation dont le résultat est difficile à prévoir.

-Compte tenu de ce qui précède, je vous recommande la solution de compromis suivante, qui ne s’appuie pas sur une prétention, mais nécessite un accord entre l’employeur et l’employé: en principe toutes les nouvelles inscriptions devraient être attribuées à l’enseignant actuel accomplissant un travail irréprochable. Si toutefois un nouvel élève exprime expressément le souhait d’être affecté au futur enseignant, ce désir doit être respecté. De même, si l’enseignant en place souhaite qu’un élève soit attribué à son futur remplaçant, il convient aussi d’en tenir compte. L’enseignant qui va bientôt prendre sa retraite et qui a travaillé pendant de nombreuses années de manière irréprochable, devrait cependant se voir garantir durant sa dernière année de travail un taux d’activité dans la moyenne de celui des trois dernières années, afin d’éviter des pertes de gain subites qui ne pourraient plus être compensées.

-Si une solution à l’amiable ne peut pas être trouvée, l’employé a le choix soit d’accepter la décision de son employeur, soit de s’y opposer. Il doit pour cela protester par écrit contre cette décision pendant le délai de congé, et réclamer une indemnisation auprès du tribunal des prud’hommes dans un délai de 180 jours après la fin des rapports de travail. Le tribunal ne peut pas annuler rétroactivement le congé, mais il peut fixer une indemnité appropriée, représentant au maximum six mois de salaire, à la charge de l’employeur. L’intérêt financier de l’employé serait ainsi garanti.

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