Musique et droit : protection contre les licenciements pendant un congé sabbatique?

Exemple inspiré de la pratique du conseil juridique de la Société suisse de pédagogie musicale. Yvette Kovacs, docteur en droit, conseillère juridique de la SSPM et avocate à Zurich, répond aux questions des membres de la SSPM.

 

Question d’un membre de la SSPM : je me suis accordé une année sabbatique que j’ai consacrée à de grands voyages en Asie. A mon retour, j’ai été stupéfait d’apprendre que mon école de musique m’avait licencié et que mon poste avait déjà été repourvu pendant mon absence. Puis-je m’opposer à ce licenciement ?

Réponse d’Yvette Kovacs:
Beaucoup d’employés s’accordent un congé sabbatique pour suivre une longue formation continue ou simplement pour se reposer. Ils partent du principe qu’ils retrouveront leur poste à leur retour. La question ci-dessus soulevée par un membre montre qu’il convient d’être prudent en la matière.
D’un point de vue juridique, un congé sabbatique est assimilé à un congé non payé. Les rapports de travail se poursuivent pendant le congé, mais de nombreux droits et devoirs des deux parties sont suspendus, notamment ceux relatifs à l’obligation de payer le salaire et à l’obligation de travailler.
A défaut d’autres conventions, les dispositions relatives au licenciement sont les mêmes que s’il n’y avait pas de congé non payé. Ce qui signifie qu’un licenciement pendant un congé non payé n’est pas exclu. Une protection limitée n’existe que pendant les absences pour cause de maladie, accidents, grossesse, service militaire, etc. Une protection plus étendue, notamment pendant toute la durée d’un congé payé, peut être assurée au travers d’une convention collective de travail, d’un règlement de service, d’un contrat individuel de travail ou d’un accord spécial. Si ce n’est pas le cas, un licenciement pendant un congé non payé est en principe valable.
Cela étant, les formalités d’un licenciement ordinaire doivent être respectées. Les délais et dates de licenciement doivent notamment être respectés. En l’occurrence, il faut tenir compte du fait que le délai de licenciement ne court qu’à partir du jour où le travailleur prend connaissance de son licenciement. S’il se trouve à son domicile et qu’il reçoit normalement son courrier, ses e-mails, etc., le licenciement lui est parvenu normalement et est effectif. En revanche, s’il est en déplacement, par exemple en voyage en Asie, la réception du licenciement n’est possible qu’à son retour. Il convient de noter à ce propos que les licenciements informels par e-mail, par sms voire par téléphone sont aussi valables, sauf si le contrat de travail en dispose autrement.
Il est par ailleurs admis que le délai de résiliation est censé servir à la recherche d’un emploi. Par conséquent, si le travailleur n’est pas chez lui et qu’il n’a pas la possibilité de chercher un nouvel emploi pendant le délai de résiliation en cours, le caractère abusif de la notification pendant son absence est admis. Pour cette raison, un tribunal cantonal a considéré que la notification d’un licenciement pendant un congé non payé ne prenait effet qu’à partir du premier jour ouvrable après le congé non payé et que le délai de préavis débutait à partir de cette date. Il n’en demeure pas moins que comme il n’existe pas de disposition légale ni de jurisprudence fédérale claire en la matière, il est indispensable et très important de fixer concrètement des règles démontrables avec l’employeur, en précisant expressément qu’un licenciement ne peut être prononcé qu’après le retour du travailleur et que le délai de licenciement ne commence qu’à partir de ce moment.
Au-delà de la question du licenciement, il est important en cas de congé non payé de savoir si les cotisations AVS peuvent être payées, si les prestations de la caisse de pension sont maintenues, si la protection de l’assurance-accidents et de l’assurance maladie est assurée, s’il existe un droit aux indemnités journalières de chômage et si les vacances seront réduites en raison du congé non payé. Toutes ces questions doivent être clarifiées spécifiquement avec le partenaire contractuel et réglées impérativement par écrit pour la durée du congé non payé.
Dans ce cas concret, le travailleur était en déplacement en Asie lorsque le licenciement lui a été communiqué et ne pouvait pas recevoir l’avis de licenciement. En conséquence, la date de réception a été fixée au retour du travailleur et le délai de licenciement a commencé à partir de cette date. Le travailleur a donc eu de la chance dans son malheur. Il a certes reçu son licenciement, mais il a pu continuer à percevoir son salaire pendant le délai de licenciement et chercher tranquillement un nouvel emploi, qu’il a d’ailleurs trouvé.

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