Purcell et une histoire brutale

Sur le CD «Abdelazer» les interprétations de l’Orchester Le Phénix sont interompu par le récit d’une tragédie d’Aphra Behn.

Image

Cette parution ouvre le rideau sur diverses musiques de scène de Purcell peu connues, à l’exception du fameux Rondeau tiré d’Abdelazer, joué ici d’une manière un peu pressée dans sa version originale. Si Britten l’a popularisé dans ses Variations and Fugue on a Theme of Purcell (Young Person’s Guide to the Orchestra, opus 34), la source du thème figure dans le titre ; le livret, quant à lui, insinue que Britten s’est attribué la composition de son illustre prédécesseur, ce qui est clairement erroné !
La scène débute avec la suite du Double Dealer, et l’on est immédiatement séduit par la fraîcheur du jeu, l’énergie dansante et les contrastes ciselés des jeunes baroqueux de l’Orchester Le Phénix. L’enthousiasme l’emporte parfois sur la respiration et les interprètes n’atteignent pas encore l’articulation méticuleuse ni la précision d’attaque « coupée au rasoir » des plus prestigieux ensembles internationaux. Ils évitent néanmoins toute tendance à exagérer ou à donner des leçons d’authenticité ! La prise de son flatteuse, dans l’acoustique généreuse de l’église du Château de Grüningen, favorise les premiers violons et les basses au désavantage des voix intérieures, ce qui réduit la clarté des alti et seconds violons et empêche d’apprécier pleinement le dialogue inventif du compositeur-organiste à la fin de sa courte vie à Westminster.

L’entrée des narrateurs dans Abdelazer (en allemand au CD1 et en anglais au CD2) apporte un choc désagréable ! Il n’y a aucune perspective cohérente avec l’événement musical et la proximité des voix. L’atmosphère créée par les musiciens est ruinée à chaque reprise par ces interventions quasi radiophoniques. De plus, l’anglais souffre d’une modernisation intimiste des textes d’Aphra Behn (contemporaine de Purcell), proche des banales traductions bibliques à la mode au siècle dernier, ce qui souligne la contradiction avec l’authenticité des instruments anciens. La traduction allemande gêne un peu moins. De toute manière, l’improbable et brutale histoire de la tragédie d’Abdelazer, avec un nombre de meurtres digne d’Agatha Christie, est amusante, mais à n’écouter qu’une fois ! L’idée de cette reconstitution libre est peut-être intéressante, mais les enchaînements musicaux choisis ne sont pas toujours convaincants, et le dernier morceau finit en une véritable queue de poisson. Les paroles étant malheureusement difficiles à supprimer car intégrées aux plages dans un « timing » assez aléatoire, un troisième CD dédié uniquement aux prestations des jeunes musiciens communicatifs de l’Orchester Le Phénix serait plus que souhaitable.

Abdelazer. Suites by Henry Purcell after the tragedy by Aphra Behn. Orchester le Phénix. John Holloway, englische Texte; Linard Bardill, deutsche Texte. Coviello Classics COV 21202
 

About JW Player 6.0.2813…

    00:00           

00:00

 00:00 

 

         

 

Fullscreen

 

 

Abdelazer Overture
About JW Player 6.0.2813…

    00:00           

00:00

 00:00 

 

         

 

Fullscreen

 

 

Abdelazer Rondeau
About JW Player 6.0.2813…

    00:00           

00:00

 00:00 

 

         

 

Fullscreen

 

 

The Double Dealer Overture
About JW Player 6.0.2813…

    00:00        

Sur un nouveau CD, l’organiste joue des œuvres de Petrali, Fumagalli – et de Bovet.

Image

Jouées avec panache, fantaisie et humour, les vingt et une pièces variées de ce CD s’inspirent de l’opéra italien, sans se prendre trop au sérieux, tout comme l’organiste lui-même ! En parfait antidote à la morosité, Guy Bovet force le sourire avec ses registrations et subtilités coquines dans une musique typique du théâtre lyrique vers la fin du XIXème siècle. A l’instant même où il enfonce les touches, sa spontanéité donne l’impression d’assister à un véritable spectacle dont il serait l’accompagnateur attentif de chanteurs absents!

La passion de Guy Bovet pour l’orgue italien ne surprend personne ; il a d’ailleurs collaboré avec la Manufacture d’Orgues de St-Martin S.A. pour la spécification d’un instrument « à l’italienne », unique en son genre, qu’il a inauguré lui-même à Dombresson, au Val-de-Ruz (NE) en 2004.

La belle assise du buffet de Giuseppe Carabelli sur la galerie de l’église paroissiale de Saint Eusebio, à Castel San Pietro au Tessin, est bien illustrée dans le livret pour lequel notre organiste a fourni les notes en quatre langues. L’enregistrement nous place près de l’instrument de 1771, construit par le père Giuseppe Serassi et son fils Andrea. Si les bruits, ô combien sympathiques, de la traction mécanique, âgée de deux cent quarante ans, sont bien audibles, c’est la virilité époustouflante des tuyaux qui frappe. Il y a une plénitude décapante dans le plein jeu, de l’autorité dans les pédales et un véritable kaléidoscope de sonorités à disposition dans les registres solo qui chantent aussi bien qu’à l’opéra ! Dans les Sei Versetti per il Gloria de Vincenzo Petrali, nommé à l’époque le « Prince de l’Orgue », l’organiste s’en donne à cœur joie et varie « l’orchestration » des timbres, même en pleine phrase.

A l’âge de quatorze ans déjà, Verdi avait été nommé organiste titulaire à Roncole, sa ville natale. Les transcriptions de morceaux tirés de la Traviata, des Vêpres siciliennes et d’Aïda pour la Messe solennelle de Carlo Fumagelli sont aujourd’hui plutôt divertissantes qu’appropriées pour une messe. Rappelons aux puristes que Puccini, en vacances d’été dans son lieu de naissance, a aussi transcrit des « highlights » de ses propres opéras à l’orgue pour que la population de Lucca puisse entendre ses derniers succès. Alors, feu vert pour un deuxième CD Gallo de Guy Bovet à Castel San Pietro ou à Dombresson !

Guy Bovet aux orgues de Castel San Pietro. Œuvres de Vincenzo Petrali, Guy Bovet, Carlo Fumagalli. VDE-Gallo 1379

Das könnte Sie auch interessieren