Orgues historiques à l’autre bout du monde

Guy Bovet nous fait découvrir des instruments d’influence espagnole et un orgue en bambou aux Philippines.

Les fidèles abonnés de La Tribune de l’Orgue le savent depuis longtemps: l’auteur de la rubrique Récits – Voyages, signée M. Philéas Fogg, n’est pas Jules Verne, ni personne d’autre que le rédacteur en chef, Guy Bovet ! Dans les années soixante-dix déjà, notre organiste-voyageur par excellence est parti pour le Mexique avec Claude Maréchaux, son ingénieur du son préféré, tous deux lourdement chargés d’enregistreurs et de bandes magnétiques, ô combien délicats… Et, sur place, divers obstacles d’ordre pratique se présentèrent à eux. Rien n’empêche que ces enregistrements pionniers (parus chez VDE en LP, cassettes et aujourd’hui en trois CDs) restent une référence dans le domaine des instruments historiques du Mexique.

Une quarantaine d’années plus tard, sur les îles éparpillées des Philippines, Philéas poursuit son voyage avec son fidèle ingénieur du son. Si l’équipement digital est moins lourd et l’équipe familiale « d’assistants » plus importante, le défi demeure de surmonter d’innombrables difficultés sur place. A Las Piñas, par exemple, il a fallu travailler de nuit, victimes de la fatigue, voire de divers maux, et dans un bruit de trafic étourdissant. On a dû, pour citer Guy Bovet, « chasser les chiens, éloigner les bavards et les curieux et supplier la police de stopper le trafic pour quelques minutes » avant de pouvoir capter l’orgue en bambou.

Ce magnifique coffret, Historical Organs of the Philippines (4 CDs, disponibles séparément), permet de découvrir les orgues d’influence espagnole de Bacong, San Agustin Intramuros à Manille, Loay, Loboc et Baclayon sur l’île de Bohol, ou celui en bambou de Las Piñas. Grâce aux prises de son d’une authenticité impressionnante, la diversité des registrations, dans des acoustiques très variées, est mise en valeur, ce qui donne envie de consulter les livrets. On trouve des photographies, prises à l’intérieur et à l’extérieur des églises par Claude Maréchaux, et les textes de Guy Bovet, qui décrit avec sa plume légendaire l’origine des vieux tuyaux, conçus par le Père Diego Cera (1762-1832), ainsi que la manufacture, qui porte encore le nom de ce religieux. On y lit enfin les origines du choix musical de l’interprète et la composition de chacun des six instruments.

On ne peut rêver mieux que d’explorer à volonté, à petites doses, les pièces évocatrices, d’inspiration espagnole, telles que Lo Ballo dell’Intorcia, La vida és un fandango, Batalla de sexto tono ou encore, Obra de octavo tono Timbales, sans oublier l’Hommage aux Philippines (improvisation de Guy Bovet). Il est si imprévisible, spontané et taquinant, notre guide ! Il se délecte avec les chamades décoiffantes et les flûtes ondulantes — qui sonnent comme la harpe de verre, les timbales « trillantes » et les pajaritos — oiseaux artificiels qui se confondent parfaitement avec les vrais oiseaux et se mélangent parfois aux cris des enfants jouant dehors. Quatre heures de pur bonheur !

Non ! Le CD n’est pas prêt à mourir. Et Philéas Fogg non plus !

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Dans des univers différents

Guy Raffalli, un interprète particulièrement inspiré, présente des œuvres de Fukushima, Sveinsson et Jolivet.

Œuvres intenses, sans concession, taillée dans du granit, les trois pièces de Kazuo Fukushima (Requiem, Mei, Shun San) exigent de l’interprète une technique de souffle et de lèvres sans faille, ce que le flûtiste Guy Raffalli maîtrise à la perfection. Souvent sans vibrato mais avec des variations de pression, d’attaques, de couleurs qui ne sont pas sans rappeler parfois le sakuhachi, utilisation ornementale de micro-intervalles, de sons multiphoniques, de doubles-trilles, nous sommes résolument dans une écriture actuelle. Toutefois, Fukushima joue avant tout sur les juxtapositions d’émotions fugaces par lesquelles Guy Raffalli nous entraîne dans un monde de rêve habité de couleurs lumineuses.

Les 21 miniatures de Atli Heimir Sveinsson nous guident dans un univers souvent tournoyant et ludique parfois presque naïf. Chaque morceau qui compose cette suite intitulée 21 tons doit être exécuté en 1 minute ce qui, suivant la padge, fait jouer passablement de doubles-croches à la seconde ! A la fin de chaque pièce, l’on perçoit d’ailleurs, comme en clin d’œil, le claquement caractéristique d’une pendule d’échecs. 21 petits tableaux d’une exposition, qui nous font voir un monde de rapidité, rompant totalement avec l’univers zen des pièces de Fukushima.

Seules pièces « du répertoire », les merveilleuses Incantations d’André Jolivet trouvent en Guy Raffalli un interprète qualifié et particulièrement inspiré. Cette musique, composée il y a presque 80 ans, reste aujourd’hui tout à fait moderne. Encore faut-il s’entendre sur ce mot ! D’une beauté insaisissable, les incantations ont été écrites avec une liberté intellectuelle totale face aux canons de l’écriture. On y perçoit bien, parfois, des successions de 12 sons qui pourraient faire penser à l’école viennoise. Mais ce serait enfermer un compositeur farouchement indépendant, car, à peine une série dessinée, on part très vite vers des couleurs orientales sans qu’il y ait disparité. Les 5 mouvements nous mènent sur des chemins de liberté qui ont gardé toute leur fraîcheur.

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Requiem
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Mei
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