Un cycle d’après Lorca
Compositions denses et subtiles de Jost Meier pour quatuor à cordes et soprano.
L’édition de cette première audition d’une œuvre subtile de Jost Meier se présente sous forme d’un double album : un cd audio et un cd vidéo blu-ray. Disons d’emblée que ce dernier n’apporte pas grand chose, une seule caméra en plan fixe, un horrible rideau gris derrière les interprètes, ce n’est pas très folichon sur le plan cinématographique… Le plus, par contre, est apporté par l’entretien entre Manfred Osten et Jost Meier (en allemand avec sous-titrage anglais).
Jost Meier s’est approprié les magnifiques poèmes de García Lorca en les faisant siens. Il en pénètre l’essence, les restitue en musique de façon subtile, sans aucune pittoresque espagnolade, de façon totalement personnelle. Et il y a de la personnalité, dans cette musique, de cette personnalité que peut avoir un compositeur libre, qui s’est détaché de toute influence, de tout dogmatisme. Ces magnifiques pages sont très denses, finement ciselées, passant de la mélodie arachnéenne aux strates contrapuntiques très denses. Il n’y a pas à proprement parler de thèmes au sens classique du terme, mais une succession de climats furtifs qui nous tiennent en haleine. Une musique exigeante pour l’auditeur : l’on n’écoute pas ces poèmes d’une oreille distraite en vaquant à d’autres occupations. Il faut s’y immerger totalement, entrer en symbiose avec la partition. Musique exigeante également pour l’interprète. Si les aléas du direct font qu’il y a parfois une petite scorie à l’attaque d’une note, on est confondu par l’implication émotionnelle de Franziska Hirzel, laquelle va bien au-delà de la simple virtuosité vocale que demande la musique de Meier. Le Beethoven Quartett réussit pleinement à restituer toutes les couleurs kaléidoscopiques de ces pages inouïes.
Il s’agit là d’un enregistrement important dans le paysage musical helvétique. À ne manquer sous aucun prétexte !
-
00:00
-
00:00
-
00:00
Jost Mei 407,Concerts « live » sans public »
22.03.2016
Michael Murray-Robertson
Critiques,Disques
Foto: Monika Ritterhaus
Lise de la Salle et la Philharmonia de Zurich prolongent la discographie initiée par Rachmaninov lui-même.
Cette grande musique a entamé une longue histoire discographique, à commencer par l’intégrale de Rachmaninov lui-même (Naxos), qui a inspiré d’autres géants du piano dans des versions aussi innombrables qu’inoubliables. Citons Michelangeli, qui a gravé le quatrième concerto en stéréo en mars 1957 pour EMI, l’un des plus importants disques du piano de tous les temps, jamais retiré du catalogue !
Lise de la Salle possède toute la virtuosité, la dynamique, la passion, la fluidité et la souplesse qui traduisent parfaitement l’atmosphère rêveuse et nostalgique de la langue ô combien russe de Rachmaninov. L’artiste se lance avec spontanéité, possédée par le moment même de l’inspiration. Parfois, avec ses rubati extrêmes, la jeune interprète pousse la liberté musicale aux limites de la cohésion, rendant la structure quelque peu épisodique. Mais Fabio Luisi, partenaire idéal, reprend à chaque fois l’initiative en assurant la suite du discours. Le Philharmonia Zurich, soit l’orchestre de l’opéra, excelle dans tous les registres et offre des soli de toute beauté, même si les cordes semblent peu nombreuses pour une écriture symphonique d’une telle densité.
La qualité des enregistrements live varie : spacieuse et aérée dans le premier concerto – réalisé dans la Tonhalle, elle souffre d’une certaine épaisseur dans les autres, captés dans l’Opéra. Ici et là, l’image du piano vacille. La Rhapsodie sur un thème de Paganini, plus transparente, met en évidence les doigts brillants et l’élan époustouflant de la soliste.
Mais qui dit live, dit public ! Après de telles démonstrations, on n’a qu’une envie : entendre et « partager » la réaction du public. Déception! A cinq reprises, des silences aussi abrupts qu’assourdissants suivent les dernières mesures – de toute évidence des montages ! Eliminer les applaudissements gomme l’ambiance du concert. Néanmoins, ce beau coffret, avec la talentueuse Lise de la Salle, mérite sa place dans la discographie initiée il y a bientôt quatre-vingts ans par Rachmaninov lui-même !
-
00:00
- Vivace
-
00:00
- Moderato
-
00:00
- Concerto No.3 in D Min 408,Souvenirs du Lied »
27.04.2016
Thierry Dagon
Critiques,Disques
Guy Raffalli. Photo: zvg
De grandes pages de Schubert, Reinecke et von Weber jouées sur des instruments de l’époque.
Dans un temps qui peut paraître antédiluvien, mais qui n’est pas si éloigné que cela, des musiciens se spécialisaient en jouant sur des instruments historiques, conspués par les tenants d’une vérité qui refusait toute remise en question. Il n’était pas rare d’entendre des propos peu étayés tels « Si Bach avait connu le piano, si Mozart avait connu le hautbois moderne… ». Les interprètes qui faisaient des recherches sur l’organologie et l’interprétation historique étaient observés avec une condescendance amusée, voire agacée, par leurs collègues qui n’avaient que faire de ces considérations qui, selon eux, n’étaient qu’un effet de mode ridicule. Des chefs renommés, tels Abbado ou Rattle se sont mis à interpréter Bach ou Mozart suivant le chemin tracé par Harnoncourt, la donne a changé…
Aujourd’hui la plupart des musiciens savent aussi bien jouer le répertoire contemporain sur un instrument moderne et la musique des siècles passés sur un instrument d’époque. C’est le cas de Guy Raffalli, que l’on peut apprécier dans des pages actuelles et qui, dans cet enregistrement, troque sa flûte d’argent pour retrouver le timbre pour lequel Schubert, Reinecke et von Weber ont écrit, grâce à une flûte en bois du facteur Abell. Il est accompagné avec finesse par Adalberto Riva, qui touche ici le piano Braschoss du château de Gruyère. De grandes pages du répertoire que l’on a plaisir à redécouvrir sous des atours tout de fraîcheur et de clarté. L’on peut être surpris par le tempo relativement lent que les interprètes impriment aux variations sur Trockne Blumen de Schubert. Simplement, les musiciens se souviennent du Lied d’origine et laissent de côté une virtuosité tapageuse dont le poème n’a que faire. Dans la même ligne, l’Undine de Reinecke fait nettement référence, dans cet enregistrement, au conte de Friedrich de la Motte-Fouqué, à son monde enchanté peuplé de divinités et de héros chevaleresques. Si la sonate en la bémol majeur de Carl Maria von Weber est moins connue, c’est qu’elle est à l’origine écrite pour piano solo. Guy Raffalli s’en souvient et se place en coloriste, ajoutant une clarté à l’architecture de l’œuvre.
-
00:00
- Introduction and variations, op. posth. 160, D. 802: Variation No. 1
-
00:00
- Flute Sonata, op. 167, « Undine »: I. Allegro
-
00:00
-