Voyage à travers les temps

Musiques de la Renaissance et d’aujourd’hui, interprétées avec des instruments historiques.

Ensemble Ad Fontes. Photo : Rafa Pasadas

Croisée des chemins. Voyage. Il n’y a plus de temps. Plus d’apparences. Tu te crois au Moyen-Âge, tu es aujourd’hui. Tes oreilles se laissent aller aux mignardises de la Renaissance française, elles se retrouvent en Espagne. Ou peut-être pas. Au travers des traverses. Tours et détours au gré d’un beau parcours qui revêt des atours de rêve éveillé. Quelques très beaux poèmes de Royds Fuentes-Imbert ouvrent les portes à des musiques de Bardia Charaf (*1982), d’Étienne Moulinié (1599–1676), de Pierre Guédron (1570–1620) et quelques pages traditionnelles. À écouter d’une traite en laissant voguer son imaginaire. L’Ensemble Ad Fontes fait florès dans des interprétations très habitées. Il nous prend par la main avec douceur sur cette route colorée et l’on se laisse faire avec bonheur.

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Pregón para un cantante vagabundo
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Fantasia for four viols Nr. 1
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Le Roy a fait battre tambour (arr. Mojca Gal), extrait
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Une musique algorithmique totalement humaine

Créée à l’aide de machines, « Mother of Millions » de Tobias Reber est une musique directe, qui parle.

Mother of Millions s’ouvre sur de longues strates sonores modelées par variations sur les harmoniques. Un paysage à la fois industriel et méditatif : des sons plutôt métalliques se meuvent lentement, calmement par – entre autres – un intéressant travail sur l’enveloppe. Ambiance introspective qui prouve que la musique électronique peut être totalement organique. L’auditeur est centré sur son propre souffle.

Le deuxième mouvement poursuit sur cette lancée de douceur. On se laisse prendre par la main dans des paysages oniriques de belle facture. Le rythme sautillant du troisième mouvement nous fait glisser vers la danse pour revenir vers la méditation par la suite. Chose plutôt rare dans de la musique électronique, il y a dans chaque mouvement une note référentielle autour de laquelle gravitent les autres sons, ce qui fait que l’on entrevoit sans peine des relations harmoniques tonales. Les notes étrangères, les variations en micro-intervalles semblent dès lors être des ornements. Ainsi, Tobias Reber ne fait pas table rase du passé et sa musique est la logique continuation moderne d’une tradition bien établie.

Le terme de « musique algorithmique » peut faire peur aux plus traditionalistes. Conceptuelle ? Froide ? Sans inspiration ? Il n’en est rien avec cette œuvre de Tobias Reber. Si cette musique est créée à l’aide de machines, elle en reste totalement humaine, profonde, pleine de poésie et d’images. C’est une musique directe, qui parle, qui raconte quelque chose !
 

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Being II
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Ending II
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Being IV
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L’ascension de la « Grosse Nachtmusik »

Le CD « Plaisirs illuminés » de la Camerata Bern offres des œuvres de Veress, Ginastera, Coll, Kurtág, Bartók et Ligeti.

Miroir de l’audace pétillante de la violoniste moldave – actrice à ses heures ! –, l’image des douze musiciens de la Camerata Bern de nuit, brandissant des feux d’artifice, annonce une palette de sonorités insoupçonnées ! Dans ce CD kaléidoscopique, celles-ci naissent de sons presque inaudibles, qui font tendre l’oreille aux lointaines harmonies parfois discordantes, semblables à la Vox humana de l’orgue, pour culminer vers des attaques ultra-agressives à couper le souffle. Patricia Kopatchinskaja rend hommage à la virtuosité, à l’imagination et à la persévérance de son équipe, qualités comparables, selon elle, à celles requises pour l’ascension de l’Everest et essentielles pour réussir dans Veress, Ginastera et Coll ! Panachés entre ces compositeurs, les mouvements de Kurtág, Bartók et Ligeti sont bienvenus comme respiration…

Venons-en à Sándor Veress. En 1965/1966, connaissant chaque membre de la toute jeune Camerata Bern, le compositeur leur lance de grands défis dans ses cadences sans compromis ; il dédie sa Musica concertante pour douze cordes à l’ensemble, récemment fondé. Votre scribe se souvient des premiers enregistrements pour la Radio de Brême ! En février 1993, un beau CD – dirigé par Heinz Holliger – est réalisé à La Chaux-de-Fonds pour ECM. Mais sans chef d’orchestre, sous l’impulsion de Kopatchinskaja, notre chef-d’œuvre retrouve son étonnante impétuosité ! Dans le premier mouvement, un va-et-vient de vagues nous emporte dans dix minutes d’échanges entre soli et tutti. L’apaisante Méditation, d’une tendresse bien hongroise, nous caresse de ses rubati, mais ne cache ni l’anxiété sous-jacente menaçant l’immense crescendo à l’horizon, ni le touchant morendo qui suit. Le dernier mouvement est ponctué par une explosion de polyrythmie – à peine jouable sans direction, mais très réussie!

Alberto Ginastera a arrangé son deuxième quatuor (1956) pour orchestre à cordes en 1968. En ouverture, dans les Variations per i solisti, le solo de Kopatchinskaja est captivant, baigné d’un doux flautando, qui nous porte inlassablement et agilement vers des aigus percutants. Quant aux cadences du violoncelle, de l’alto et de la contrebasse (cette dernière ajoutée pour cette version), elles magnifient la virtuosité des interprètes. Le Scherzo fantastico, de son côté, s’envole avec la légèreté des papillons de nuit, dans une délicatesse et une précision emblématiques de la rigueur d’écoute des musiciens. Mais c’est l’intensité de l’Adagio angoscioso qui nous fait vivre les moments les plus profonds : rêve et réalité se confondent dans de longs silences osés. Jusqu’au brutal réveil folklorique du Finale furioso !

Composés pour Patricia Kopachinskaja, Sol Gabetta et la Camerata Bern, Les Plaisirs illuminés de Francisco Coll – peintre à ses heures inspiré par Salvador Dalí – nous précipitent dans les méandres de son univers imaginaire, tantôt agressivement giclés, étirés ou, dans Wiegenlied, extraits du temps et précipités au fond de l’océan, tantôt joueurs, déjantés dans le flamenco du Scherzo fantastico ou secrètement souffrants dans le Lamento – Epilog. Si l’enregistrement capte la beauté du son du violon et du violoncelle, il met en évidence une certaine dureté acoustique, qui illumine … les plaisirs !

Enfin, quelle idée originale de laisser le dernier mot aux chants d’oiseaux, improvisés brillamment sur les quarante-huit cordes de la Camerata, qui s’effacent peu à peu dans le sommeil profond de la nuit tombante…
 

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Plaisirs illuminés : Veress, Ginastera, Coll.
Patricia Kopatchinskaja, violon, direction ; Sol Gabetta, violoncelle ; Francisco Coll, direction (Doppelkonzert) ; Camerata Bern. Alpha Classics 580

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