Bach et l’opéra allemand – Rossini sans fable

Deux publications récentes s’attachent à résoudre les questions suivantes : Pourquoi Bach n’a-t-il pas composé d’opéra ? Quelle est la véritable personnalité de Rossini ?

Johann Sebastian Bach, peint par Elias Gottlob Haussmann, et Gioachino Rossini, photographié par Nadar. Wikimedia commons

Concis, dense et érudit, un opuscule paru aux éditions Les Belles Lettres, rédigé par Gilles Cantagrel, s’intéresse aux raisons pour lesquelles Bach, dont il est un spécialiste reconnu, n’a pas laissé d’œuvre scénique. Il commence d’abord à brosser un panorama du répertoire opératique allemand de ses lents débuts (Dafne de Schütz, dont la partition est perdue, en 1627 ; ouverture du premier théâtre lyrique à Hambourg en 1677 seulement) au milieu du 18e siècle, citant des compositeurs oubliés tels Johann Wolfgang Franck, Johann Sigismund Kusser ou Nicolaus Adam Strungk, ou plus illustres, comme Carl Heinrich Graun, Reinhard Keiser ou Telemann. Quand bien même Bach se délectait d’aller à Dresde écouter les œuvres de Hasse, qu’il connaissait bien, écrire pour la scène ne l’a apparemment pas tenté. Cependant, tant dans ses cantates profanes que sacrées, le Cantor de Leipzig a su au besoin dépeindre avec finesse un état psychologique. On trouve même de véritables morceaux d’opéra selon la codification de l’époque : intermède pastoral, tempête, air de sommeil à l’instar de Schafe können sicher weiden dans la cantate cynégétique BWV 208, plainte amoureuse tel Mit Verlangen druck’ ich deine zarten Wangen où Phébus-Apollon pleure la mort de son bien-aimé Hyacinthe (extrait du drama per musica BWV 201), ou encore un authentique intermezzo comme la Cantate du café. Mais l’auteur souligne à quel point les deux monumentales passions forment des actions dramatiques surpassant par leur sens théâtral et leur expressivité les autres oratorios baroques. Si Bach n’a pas composé d’opéra, peut-être est-ce tout simplement qu’il n’en éprouva pas la nécessité.Gilles Cantagrel : Bach n’a pas écrit d’opéra, 116 p., € 11.50, Les Belles Lettres, Paris 2023, ISBN 978-2-251-45444-3

Bien qu’il ait passé une partie importante de son existence en France, y faisant créer ses derniers ouvrages lyriques, Rossini a longtemps été négligé par la musicographie, hormis durant la période romantique qui vit fleurir des biographies romanesques, à l’exemple de celle conçue par Stendhal. Ainsi, la monographie de l’historien Grégoire Ayala récemment publiée aux éditions Premières Loges constitue une exploration de la vie du maître de Pesaro sans précédent dans le monde francophone, libérée d’une part des anecdotes généralement fictives, mise en lumière d’autre part par sa correspondance, source jusqu’alors peu exploitée, apportant des éclairages inattendus sur sa destinée, son œuvre et sa pensée. Si le biographe n’aborde pas l’étude musicale détaillée des compositions, il en explicite toutefois la genèse et la réalisation, tout en contextualisant historiquement l’art rossinien. Il dévoile également la sensibilité, la profondeur et les contradictions de l’auteur de Guillaume Tell (souvent occultées tant par une attitude faussement désinvolte de l’intéressé lui-même que par des clichés tenaces), introduisant les lecteurs dans l’intimité de Rossini, depuis sa jeunesse au sein d’un milieu populaire jusqu’à sa longue retraite plus active qu’il n’y paraît, en passant par sa carrière météorique qui révolutionna la scène en moins de deux décennies.

Grégoire Ayala : Rossini à la lettre, 446 p., € 25.00, Premières Loges, Paris 2023, ISBN 978-2-84385-438-5

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