Le Glorieux moment

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour la cantate « Le Glorieux moment » pour solistes, chœur et orchestre.

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

Je me demande ce qu’aurait dit Beethoven lorsque Robert Schuman a formulé les prémices d’une Europe unie dans sa déclaration du 9 mai 1950. La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs, et : « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». 70 ans plus tard, ces paroles du ministre français des Affaires étrangères de l’époque sont toujours d’actualité. D’une certaine manière, elles sont également issues de l’expérience tirée au début du 19e siècle lorsque seule l’alliance de plusieurs nations a pu mettre un terme aux invasions de Napoléon et de ses troupes. Le fait que le Congrès de Vienne, qui suivra bientôt, n’ait pas répondu aux espoirs de tous ceux qui ont fait des sacrifices est une autre histoire…

Pour la métropole du Danube, les années 1814/15 sont une période de grandes festivités et de divertissements, car les chefs d’État et leur entourage ne doivent pas seulement être divertis de la meilleure façon possible : la salle de bal est souvent aussi un lieu de diplomatie. Ce rassemblement des grands de ce monde a également encouragé la création de cantates festives, des œuvres qui mènent une existence obscure dans l’histoire de la musique, si elles ne sont pas complètement tombées dans l’oubli. A l’automne 1814 par exemple, Beethoven compose le Glorieux moment, une partition qui, après sa création en grande pompe le 29 novembre de cette année-là, n’a été jouée que deux fois de son vivant. Elle ne sera publiée qu’en 1835, mais dans une édition luxueuse. Deux ans plus tard, l’éditeur remplace le libretto original écrit pour l’occasion par un poème passe-partout de Friedrich Rochlitz (Preis der Tonkunst) et il indique explicitement dans la préface que ce remplacement « n’a pas nécessité le moindre changement dans la musique ».

Beethoven était pleinement conscient de la fonction représentative de sa composition. L’ampleur des mouvements, les forte puissants de l’orchestre et des parties chorales, qui rappellent souvent Haendel, en témoignent encore aujourd’hui. Le plus inhabituel et le plus impressionnant est sans doute le n° 3 (O Himmel! welch’ Entzücken!), dans lequel une soprano et le chœur sont rejoints par un violon solo. Avec le piccolo et une « turquerie » efficace, le final anticipe en partie l’Hymne à la joie, mais il est ici encore élargi par l’ajout d’un chœur d’enfants. Le projet ultérieur de Beethoven d’y ajouter une ouverture tombera à l’eau. – L’Allgemeine musikalische Zeitung de Leipzig fait le compte-rendu de la première : « en plus de la haute cour et de tous les monarques présents […], la salle était pleine à craquer. » Des circonstances exceptionnelles qui n’ont pas été d’une grande utilité pour l’œuvre : jusqu’à aujourd’hui, ce Glorieux moment n’est jamais sorti au-delà des cercles d’initiés.
 


Aufnahme auf idagio


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