Duo pour deux lorgnons obligés

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour le Duo pour alto et violoncelle en mi bémol majeur.

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

Il existe de la musique pour les yeux et des basses-lunettes, comme on nomme en allemand (Brillenbass) les abréviations de notes répétées. Beethoven a peu à voir avec ces deux phénomènes musicaux (de la Renaissance et du Préclassique), et pourtant, dans le catalogue de ses œuvres, on trouve une œuvre écrite « pour deux lorgnons obligés ». Les yeux et les lunettes ne sont bien entendu pas censés jouer en contrepoint avec l’alto et le violoncelle : ce sous-titre fait référence aux deux musiciens pour lesquels Beethoven a écrit le duo. Au passage, il ne s’agit pas ici des lorgnettes que l’on tenait devant les yeux en lisant (lorgnette à gauche, livre à droite), mais plutôt de lunettes plus élaborées, munies de branches ou au moins d’un « pince-nez », afin de pouvoir jouer librement (on applique alors comme d’habitude la règle de l’alto à gauche et de l’archet à droite – et de toute façon : les lunettes sur le nez).

On ignore pour quels musiciens porteurs de lunettes Beethoven a écrit son duo. On suppose qu’il pourrait s’agir de lui-même (à l’alto) et de son ami Nikolaus Zmeskall (1759-1833, fonctionnaire et compositeur). Cette hypothèse est née d’une lettre datant de l’époque de la création de l’œuvre (durant les premières années viennoises), mais elle ne peut être vérifiée avec certitude, car le passage « très cher Baron Dreckfahrer je vous suis bien obligé pour votre faiblesse de vos yeux » (en français dans le texte) reste trop flou.

La question se pose de savoir en outre si l’œuvre est complète. Dans le « Kafka-Skizzenbuch », un recueil d’esquisses complètement désordonnées, on ne trouve qu’un premier mouvement long et complet, un menuet, ainsi que 23 mesures seulement d’un (deuxième ?) mouvement lent. Et même là où Beethoven a copié la partition en entier, il manque de grandes parties de l’articulation et de la dynamique. Peut-être existait-il autrefois une version complète qui a été perdue au fil des ans, ou qui dort dans un coffre-fort familial depuis des générations. Dans ce cas, il s’agit de se munir d’une loupe et d’observer attentivement.

Manuscrit page 135 recto / page 137 verso / page 119 recto


Aufnahme auf idagio


Rester en contact

Une newsletter hebdomadaire lève le voile sur la dernière chronique en ligne. Vous pouvez vous y abonner en indiquant votre adresse mail ci-dessous, ou en souscrivant à notre flux RSS.


Participez à ce projet !

Das könnte Sie auch interessieren