Éclipses : une œuvre musicale au cœur du cosmos
Cyprien Lengagne, jeune compositeur et violoncelliste franco-suisse, nous invite à penser espace-temps, relations entre nature et homme, nature et cosmos, musiciens et interprètes.

Cyprien Lengagne est lauréat du Prix d’encouragement « Nouvelles compositions Fonds Jacques Cerf », créé en 2020, avec son œuvre Éclipses, qui a été jouée le 5 décembre 2024 par l’orchestre de l’HEMU à la Salle Métropole à Lausanne, dans un concert conjoint avec le Sinfonietta de Lausanne.
Dans une dimension sonore intemporelle, Cyprien Lengagne met en scène trois corps célestes gravitant les uns autour des autres, dialoguant dans l’immensité cosmique, puis l’un s’éteint doucement, quelques éclats dans le firmament subsistent, un petit son de cloche se glisse jusqu’au dernier souffle. Tout cela dirigé avec une puissance veloutée par la Cheffe Ruth Reinhardt. Dans le dossier de présentation pour le concours, Cyprien Lengagne décrit « par sa grande masse, l’objet 3 au premier plan déforme à deux reprises l’objet 2 par effet de ‹lentille gravitationnelle›. Enfin à deux reprises les autres corps ‹volent› de la matière à l’objet 2, qui finit par partiellement fusionner avec l’objet 3, ce qui constitue le point culminant de la pièce ».
Cyprien Lengagne nous plonge dans le cosmos avec Eclipses, pièce pour une trentaine de musiciens. Passionné par l’astronomie, Cyprien Lengagne suit les retransmissions en direct de l’exploration spatiale. « Je suis les lancements de la NASA, les lancements de vaisseaux en streaming. Je me souviens de l’atterrissage du rover Perseverance de la Nasa en 2021, retransmis en live. » Son œuvre est une musique à programme dans laquelle l’espace devient matière sonore. « Je n’ai pas prévu de composer d’autres œuvres sur l’astronomie, celle-ci était une inspiration pour le concours du Fonds Jacques Cerf. L’éclipse de 2024 ne m’a pas inspiré particulièrement, mais le phénomène général. » Etonnante synchronicité, car Jacques Cerf était fervent d’astronomie et de métaphore mystique de l’espace, dimensions centrales dans la métaphysique franc-maçonnique.
Un parallèle entre nature et musique
Dans Eclipses, Cyprien Lengagne explore le lien entre musique et univers « C’est la seule pièce dans laquelle je dresse un parallèle aussi direct entre nature et musique. Cela engendre une structure qui reflète une organisation automatique. Les planètes n’ont pas de sentiments, gravitent dans un cycle, un mastodonte peut anéantir un objet plus petit ! Loin de moi l’idée de me limiter à cette thématique. Cette composition est un ‹scénario musical› dans lequel je guide les interprètes et vulgariser l’intention de l’œuvre est essentiel. J’ajoute des notes sur la partition pour faciliter l’immersion des musiciens dans l’œuvre. Car en tant que violoncelliste, je me souviens d’un concert ou répétition publique, dans lequel certains aspects d’une œuvre contemporaine étaient expliqués au public mais ces indications n’avaient pas été transmises aux musiciens durant les répétitions. Dans la partition, j’utilise le terme anglais ‹object› pour mes objets célestes. »
Eclipse, durant les quinze premières secondes, installe un « tapis sonore » qui permet à l’auditeur de s’imprégner de l’espace-temps, du mouvement, de la dilatation du temps. « J’ai collaboré comme interprète avec Lisa Streich, avec laquelle on a échangé sur la ‹musique des mots› afin de stimuler la créativité des musiciens. Les métaphores, les indications aident. Le scénario musical engendre une relation avec les intentions des musiciens et la direction de la cheffe. »