« Elvirissima 2021 » sous le signe des conséquences du virusPrix

Après avoir été réalisé en ligne l’an passé en raison de la pandémie de coronavirus, le concours de chant de la Fondation Elvira-Lüthi-Wegmann de cette année se tiendra à nouveau en présentiel, le 24 mai prochain au MaiHof de Lucerne. Si la réouverture progressive est réjouissante, le concours témoigne lui aussi des profondes conséquences de la pandémie sur la vie musicale.

Interview : Lucas Bennett — Marianne Wälchli, présidente du conseil de fondation, livre ses impressions sur la phase de sélection et commente les tendances actuelles marquant le choix du répertoire. Marianne Wälchli est chanteuse, professeure de chant, présidente de la section bernoise de la SSPM et membre du comité central de la SSPM. Depuis 2019, elle est présidente du conseil de la Fondation Elvira-Lüthi-Wegmann.

Marianne Wälchli, il y a un an, « Elvirissima » avait eu lieu en ligne en raison du coronavirus. Le concours de cette année peut à nouveau se tenir en présentiel, mais nous commençons à peine de sortir d’une pause d’une année. Quelles sont les conséquences pour les inscriptions, constate-t-on de grandes différences par rapport à l’an passé ?

Il y a des différences considérables. Nous avons reçu cette fois 40 inscriptions, soit presque deux fois plus que lors des précédentes éditions. A quelques exceptions près, toutes provenaient de Suisse alémanique, alors que les autres années, il y en avait aussi un certain nombre de Suisse romande. Autre particularité : habituellement, plus de la moitié des candidatures venaient de l’étranger. Cette fois-ci, elles représentent moins de 10 %, et presque toutes les personnes concernées vivent depuis longtemps en Suisse. C’est clairement un effet de la situation provoquée par le coronavirus. En outre, un nombre étonnamment élevé de chanteuses et chanteurs inscrits ont achevé leur formation et sont déjà membres de la SSPM. Ce qui était plutôt rare autrement. Cela me montre qu’on se raccroche à toutes les branches, qu’on saisit chaque possibilité de se présenter. Ces observations mettent en évidence des conséquences à long terme de la pandémie sur lesquelles nous devrions nous pencher.

Selon toi, quel est le problème le plus urgent ?

Si la vie culturelle commence lentement à être réouverte, trois volées de musiciennes et de musiciens se presseront simultanément sur le marché. Inévitablement, beaucoup se retrouveront dans des situations précaires. Le travail disponible n’augmentera pas, au contraire, des collègues expérimentés et très bien établis acceptent maintenant des engagements que l’on aurait auparavant proposés à des étudiantes ou à des étudiants.

Selon toi, formons-nous trop de musiciennes et de musiciens ?

C’est évidemment un point délicat. Il est vrai que je commence à me demander si nous ne suscitons pas trop souvent de faux espoirs. Un exemple tiré du concours : au jury, nous recevons de nombreuses recommandations. Il arrive qu’une professeure ou un professeur recommande de très nombreux chanteurs et chanteuses et se montre convaincu que toutes et tous vont faire « une importante » carrière. Mais le marché ne s’y prête tout simplement pas. Je trouve tout de même problématique de donner à tellement de personnes l’impression qu’elles feront carrière un jour, s’il s’avère ensuite qu’il n’y a pas de travail pour elles.

Une question centrale et souvent discutée lors des concours est celle du choix du répertoire. Peut-on observer une tendance cette année ?

Ce qui frappe immédiatement, c’est que les grands « tubes » du répertoire sont presque complètement absents. Les chanteuses inscrites sont en grande majorité des sopranos, et pourtant il n’y avait aucune Pamina parmi les Suissesses, et seulement une petite et pas de grande comtesse. Il n’y a pratiquement pas d’arias d’opéras Da Ponte de Mozart (un air de Mozart est imposé), rien de Puccini hormis un seul « Quando m’en vo », et très peu de Verdi. On pourrait dire qu’il n’y a pas de voix très dramatique. Mais j’ai plutôt le sentiment que d’une manière générale, on hésite à s’attaquer aux grandes œuvres. On aimerait se montrer original en choisissant une musique moins exigeante et parfois un peu inaccoutumée. Mais ce sont souvent des pièces qui ne se prêtent pas vraiment pour un concours. Ce qui compte lors d’un concours, c’est l’expression et l’effet – en principe, on devrait choisir le programme de manière à pouvoir gagner avec chaque pièce. Je me demande comment les participantes et participants sont conseillés en la matière.

Cela reflète peut-être aussi un scepticisme grandissant envers un canon classique du répertoire…

Cela peut jouer un rôle, mais il ne faut pas oublier ce que l’on perd avec ce changement : en tant qu’enseignante, j’ai découvert tout ce que l’étude du grand répertoire apporte déjà lors de la formation. Evidemment, on ne donne pas du Puccini à un débutant, encore moins du Wagner. Mais un « Ave Maria » de l’Otello de Verdi par exemple est plus vite envisageable qu’on ne le pense, et il a déjà cette structure spécifique, subtile de Verdi que l’on doit chercher dès le début. On travaille ainsi intensivement sur le timbre et sur les subtilités de style, une condition essentielle pour toute la suite. On ne peut pas chanter juste comme ça des rôles comme Pamina ou Susanna, et c’est aussi pour cela que leur étude est si profitable. Il en va de même pour les grands lieder. Il y a de bonnes raisons qui expliquent l’importance de ce répertoire : la grande musique porte et incite à continuer de faire des efforts. Il semble qu’il y ait une attente répandue de nos jours de pouvoir progresser sans se confronter au grand répertoire. Mais il manque dans ce cas une chose essentielle. Car il ne peut être question d’effectuer un travail purement technique, la technique n’est qu’un moyen pour transporter l’expression musicale. L’essentiel est le lien entre les deux : ainsi, une chanteuse ou un chanteur doté d’une voix moyenne mais d’une musicalité supérieure à la moyenne peut obtenir une qualité vocale supérieure à la moyenne.

Vingt candidates et candidats se présenteront devant le jury le 24 mai. Le concours est doté des prix suivants :

1er prix CHF 9600.–

2e prix CHF 4800.–

3e prix CHF 2000.–

4e prix CHF 1000.–

Le concours se déroule en présentiel. Cependant, aucun public n’est admis en raison de la situation du coronavirus. Un enregistrement du concours sera mis à disposition sur Internet.

Pour en savoir plus :

> www.elvirissima.ch

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