Deux biographies

Deux ouvrages, l’un concis, l’autre foisonnant de détails, abordent respectivement la vie de Meyerbeer et celle de Scelsi.

Portrait de Meyerbeer par Karl Begas peint en 1851. Wikimedia commons
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Né à Berlin en 1791 et mort à Paris en 1864, Meyerbeer mena une triple carrière de compositeur d’opéras, dans son Allemagne natale, en Italie où il s’initie au bel canto, et surtout en France où il magnifia le genre, issu du drame romantique, du grand opéra, caractérisé par les reconstitutions historiques, les effets grandioses ainsi que par le luxe pompeux des décors et des costumes. Si ses œuvres en français comptèrent parmi les productions lyriques les plus représentées durant le 19e siècle, elles connurent par la suite une éclipse due à plusieurs facteurs : changement de goût, absence d’interprètes formés au bel canto, mais aussi nationalisme (germanophobie en France, tandis que certains en Allemagne le considéraient comme un traître) et antisémitisme. Depuis peu, une nouvelle, mais encore timide curiosité, remet à l’honneur ce compositeur trop méconnu et souvent victime de préjugés. Grâce en particulier aux sources précieuses que forment ses lettres et son journal, longtemps inaccessibles, la biographie de Jean-Philippe Thiellay nous décrit un artiste perfectionniste, méthodique, remettant sans cesse l’ouvrage sur le métier, mais aussi un homme cultivé, attachant, généreux et qui eut à souffrir de l’ingratitude d’un Heine ou d’un Wagner.

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Fruit de recherches réalisées par Irène Assayag durant plus d’une décennie, son ouvrage consacré à la vie et à la pensée du compositeur italien Giacinto Scelsi s’appuie sur de nombreux entretiens et des documents souvent inédits pour nous présenter, en s’éloignant des mystifications, ce personnage marginal et volontiers excentrique. Connu pour son exploration de l’intérieur du son, sa « troisième dimension » et sa force énergétique, il considérait la musique à la fois comme offrande et comme rituel. Bien qu’ignoré dans son pays natal et en proie à l’animosité de certains milieux dogmatiques, longtemps éloigné des principaux circuits de diffusion à cause de son indépendance, il n’était pas aussi isolé qu’on le décrit parfois et eut une influence décisive tant sur les membres de l’école spectrale que sur de nombreux compositeurs américains. Après la mort de Scelsi surgit une polémique concernant son travail compositionnel, basé sur des improvisations transcrites et arrangées par des assistants, qui brouillait la frontière entre le créateur réceptacle de l’inspiration, intermédiaire par lequel passait la musique, « messager » s’occupant de l’esprit de l’œuvre, et le transcripteur, responsable de l’aspect technique de son écriture. Si les nombreuses disgressions et innombrables esquisses biographiques des personnes plus ou moins en rapport avec le maître italien éloignent souvent du sujet central de cette étude, du moins cette profusion nous restitue-t-elle l’entourage dans lequel il s’inscrivait, les influences reçues (Debussy, Scriabine, théosophie et anthroposophie, hindouisme, etc.) et son cadre de vie. La richesse de la documentation fera oublier quelques défauts formels (quelques mots manquants, quelques noms estropiés, répétition à l’identique d’un passage à la page 287, index terminologique placé avant les annexes…) et apprécier l’immense travail de documentation accompli.

Irène Assayag : Giacinto Scelsi, musicien-poète du XXe siècle, 674 p., € 54.00, Éditions l’Harmattan,Paris 2018, ISBN 978-2-343-10792-9

Jean-Philippe Thiellay : Meyerbeer, 192 p., € 19.00, Éditions Actes Sud, Arles 2018, ISBN 978-2-330-10876-2
 

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