Deux aspects des claviers au 19e siècle

Présentation de deux livres, l’un dédié au déclin et au renouveau du clavecin, l’autre aux Préludes pour piano de Chopin.

Clavecin Pleyel de 1889. Détail. Source voir ci-dessous
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Après deux autres ouvrages, parus dans la même collection, consacrés au clavecin louis-quatorzien et à celui des Lumières, Jean-Patrice Brosse se penche sur l’inéluctable déclin, la discrète survivance et le progressif renouveau de l’instrument à sautereaux. Dans le dernier tiers du 18e siècle, face au fortepiano qui s’apprête à le détrôner, le clavecin se voit doté par des facteurs tels que Taskin ou Erard, entre innombrables autres inventions, de jeux où le cuir ou la peau de buffle, à la sonorité plus moelleuse, remplacent les plumes, ou d’un ajout graduel des jeux créant un effet de crescendo par palier, afin de s’approcher des qualités de son concurrent à marteaux et de tenter d’empêcher sa propre disparition. Alors que la romantique première moitié du 19e siècle s’entichait de Gothique et de Renaissance, la révolution industrielle suscita auprès des nouvelles fortunes françaises un goût pour le luxe baroque et rococo, donnant naissance au style Napoléon III tout en ranimant l’intérêt pour les clavecins décorés et dorés, dont le répertoire était redécouvert parallèlement grâce à des interprètes tels que Moscheles, Alkan ou, plus tard, Diémer, mais aussi à des musicologues comme Fétis ou, dès le milieu du 19e siècle, aux éditions d’œuvres anciennes. Un nombre croissant de pianistes jouent des pièces de Bach, Couperin ou Rameau, entre autres, et quelques-uns adoptent même l’instrument à cordes pincées, dont les exemplaires rescapés des changements de mode ou des bûchers révolutionnaires sont alors peu à peu restaurés. Des maisons comme Erard, Pleyel ou Neupert construisent des variétés modernes de clavecin, cautionnées par l’infatigable Wanda Landowska, bien éloignées de la finesse de l’original mais qui inspireront cependant de nouvelles partitions, en particulier aux compositeurs néo-classiques. Il faudra attendre la seconde moitié du 20e siècle pour trouver des reconstitutions plus fidèles.

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Achevés dans une cellule de la chartreuse sécularisée de Valldemossa, devenue depuis le musée Celda de Frédéric Chopin y George Sand, les 24 Préludes pour piano de Chopin forment un cycle d’aphorismes, pour la plupart d’une lapidaire concision, présentant une palette de tous les affects, mais aussi une sorte de reflet et de synthèse de l’œuvre du génial Polonais. Ecrits dans tous les tons majeurs et mineurs, souvent basés sur un seul motif, ces préludes ont donné lieu à de multiples lectures, à des commentaires quelquefois débridés, voire ridicules ou délirants, à l’instar des titres dont Alfred Cortot affuble chacune de ces pièces (cela malgré le fait que les caractérisations verbales de ses œuvres indisposaient le compositeur). Dans une monographie solidement documentée (nombreux extraits de lettres et témoignages, particulièrement celui de la romanesque Sand, description complète du pianino de Pleyel conservé à Valldemossa, sur lequel furent parachevés ces Préludes, riche cahier de 56 illustrations, en partie en couleur), Jean-Jacques Eigeldinger, spécialiste érudit de Chopin, décrit l’histoire de la composition, de l’édition et de la réception de ce mythique opus 28, l’analyse en son entier et en détail, évoque quelques-uns des recueils qu’il a inspirés, notamment ceux de Debussy, Scriabine ou Ohana, ainsi que d’autres hommages et réminiscences.

Jean-Patrice Brosse : Le Clavecin des Romantiques, 176 p., € 20.00, bleu nuit éditeur, Paris 2020, ISBN 9782358840927

Jean-Jacques Eigeldinger : Autour des 24 Préludes de Frédéric Chopin, 140 p., € 30.00, éditeur : Musée Frédéric Chopin et George Sand à la Chartreuse de Valldemossa, diffuseur: éditions symétrie, Lyon 2019, ISBN 978-84-09-10473-4
 

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