Musique au 20e siècle

Interaction entre compositeurs et contexte idéologique ou politique, histoire de la diffusion de la technique sérielle, tels sont les sujets abordés dans deux ouvrages récemment parus.

Cour d’été avec Karl Heinz Stockhausen à Darmstadt en 1957. Photo : Rolf Unterberg (cf. ci-dessous)
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Quelle est la part de légende dans la genèse et la création du Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen ? Jusqu’à quel point Webern, lecteur enthousiaste en 1941 de Mein Kampf, a-t-il été fasciné par l’idéologie nazie, et pourquoi cet aspect peu reluisant de sa personnalité a-t-il été longtemps occulté ? Pour quelles raisons le réalisme prolétarien et la doctrine Jdanov ont-ils écrasé certains artistes et mis fin à l’avant-garde soviétique ? Comment les cours d’été de Darmstadt ont-ils été soutenus par les Etats-Unis, au début de la Guerre froide, dans le but de se servir du sérialisme dans le cadre de la propagande anticommuniste ? Quels sont les premiers exemples de politiques nationales de démocratisation culturelle ? A ces questions, et à bien d’autres, le livre de Bruno Giner récemment paru chez Delatour répond de manière à la fois précise, concise et vivante, abordant les liens entre quelques compositeurs de la première moitié du 20e siècle et le contexte politique dans lequel ils ont vécu. On pourra aussi découvrir, par exemple, l’engagement social de Satie, l’appui d’Edgard Varèse à la république espagnole, l’activité de résistante d’Elsa Barraine ou les ensembles musicaux du camp de concentration de Mauthausen.

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Il manquait une synthèse présentant l’histoire exhaustive, de ses origines à ses ultimes développements, de la musique dodécaphonique et sérielle, en n’omettant ni l’apport de Hauer et de son école, ni les critiques formulées à l’encontre du sérialisme. Cette attente est comblée par l’ouvrage de Franck Jedrzejewski, édité par Brepols, qui décrit la propagation sur tous les continents de la technique schoenbergienne de douze sons, son influence sur de nombreux créateurs ainsi que ses multiples métamorphoses et mutations (séries incomplètes, rotations, permutations, usage de la microtonalité, etc.). Dans un court chapitre, il explore également l’algèbre des séries et le classement de ces dernières selon leur structure. Les copieuses annexes incluent un large répertoire de séries, la liste complète des séries comprenant l’intégralité des douze intervalles possibles, les diagrammes de cordes des 554 structures de nœud dodécaphonique et une importante bibliographie.

Bruno Giner : Treize histoires secrètes de la musique. Quelques jalons pour la musique européenne du premier XXème siècle, 196 p., € 22.00, Editions Delatour France, Sampzon 2022, ISBN 9782752104366

Franck Jedrzejewski : La musique dodécaphonique et sérielle : une nouvelle histoire, XIII+521 p., € 130.00, Brepols, Turnhout 2021, ISBN 978-2-503-59486-6
 

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