Autour de Chopin

Trois récents ouvrages dédiés au compositeur polonais : comparaison avec Liszt, journal fictif et liens amicaux avec quelques artistes parisiens.

Frédéric Chopin. Dessin de Franz Xaver Winterhalter, wikimedia commons

Quelles personnalités plus dissemblables que le réservé et pudique Chopin, élevé dans des cercles aristocratiques, ayant rapidement découvert son langage musical, et l’exubérant, l’expansif Liszt, de modeste extraction, à l’éducation lacunaire, dont les pièces s’apparentèrent longtemps à des improvisations ? Introverti, privilégiant l’intimité d’un cénacle réuni en un salon, le premier y joue principalement ses propres œuvres parfaites d’équilibre, reflets d’une riche vie intérieure, synthèse de lyrisme et d’harmonie complexe ; extraverti, promoteur du concert moderne donné dans de grandes salles, le second ne se lasse pas de faire connaître les partitions de ses contemporains, Chopin y compris, tandis que ses compositions s’inspirent souvent de sujets extra-musicaux (nature, littérature ou métaphysique). Au moment du décès du Polonais, le Hongrois ne se trouve qu’à mi-chemin de son existence, à une période où il délaisse sa carrière de virtuose-voyageur et accède à la maturité créatrice. Dans un ouvrage formant un portrait en miroir, Jean-Yves Clément expose les différences et les symétries, les rapprochements et les oppositions qu’on peut rencontrer dans la biographie et l’esthétique pianistique et compositionnelle des deux musiciens, dont les destinées se croisèrent fréquemment.

Un opuscule du même auteur, paru chez Le Passeur, se présente sous la forme d’un journal intime fictif, que Chopin aurait pu rédiger aussi bien en guise de rétrospection cathartique de son séjour globalement décevant à Majorque que comme remémoration des sentiments à l’origine de l’écriture de son recueil des 24 préludes op.28, mosaïque d’humeurs diversifiées. S’y entremêlent également, au cours de 33 brefs chapitres, de nombreuses réflexions ou considérations sur l’art ainsi qu’une relation du voyage menant de l’humide chartreuse de Valldemossa au domaine de Nohant, le havre berrichon de Georges Sand, entrecoupé de longues escales à Marseille et à Gênes. Le style de ce récit romancé basé sur des faits réels a été modelé sur celui des lettres du compositeur polonais.

Dans un précieux livre concis, agrémenté d’un cahier d’illustrations hors-texte, Jean-Jacques Eigeldinger révèle les liens amicaux tissés par Chopin avec Alkan, Delacroix, Pauline Viardot, le ténor Nourrit, le dévoué violoncelliste Franchomme ou l’éditeur et facteur de ses pianos préférés Camille Pleyel. Abordant quelques thèmes chopiniens (affinités et réticences musicales, rapports entre chant et piano, influence du violoncelle dans l’écriture de la main gauche), le musicologue dévoile nombre d’aspects peu connus de l’incomparable poète du piano.

Jean-Ives Clément : Chopin et Liszt. La magnificence des contraires, 180 p., € 18.00, Editions Premières Loges, Paris 2021, ISBN 978-2-84385-388-3

Jean-Ives Clément : Le retour de Majorque. Journal de Frédéric Chopin, 168 p., € 7.90, Le Passeur Editeur, Paris 2022, ISBN 978-2-36890-989-8

Jean- Jacques Eigeldinger : Frédéric Chopin et ses amis musiciens français, 96 p., Fr. 35.00, Ditesheim & Maffei, Neuchâtel 2021, ISBN 978-2-8399-3306-

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