Grande Fugue pour piano à quatre mains

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour la Grande Fugue en si bémol majeur pour piano à quatre mains.

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

Conçue à l’origine comme final du Quatuor à cordes en si bémol majeur op. 130, écrit en 1825/26, la fugue a suscité l’incompréhension dès ses premières représentations par le Quatuor Schuppanzigh – même chez les connaisseurs. Selon un critique, cela sonnait « comme du chinois », bien qu’il ait admis que peut-être le temps viendrait « où ce qui nous semblait à première vue obscur et confus serait reconnu clairement et sous des formes agréables ». Quoiqu’il en soit, l’éditeur viennois de Beethoven, Mathias Artaria, ne voulait pas attendre aussi longtemps : il a demandé au compositeur de remplacer la fugue par un autre mouvement plus conventionnel (ce sera finalement un long rondo). Il aura fallu un peu de persuasion et d’argent sur la table pour que Beethoven accède à contrecœur à cette demande. Karl Holz, le violoncelliste du quatuor, se souviendra plus tard : « il l’aimait beaucoup [la fugue] et avait du mal à la séparer du quatuor ».

Quand bien même il est sans aucun doute énorme, le mouvement a reçu un nom trompeur : la « Grande Fugue » n’est ni une composition au sens du Stile antico ni du genre du Clavier bien tempéré de Bach, que Beethoven avait déjà étudié à Bonn dans les cours de Christian Gottlob Neefe. Outre ses considérables difficultés techniques, il s’agit plutôt d’un développement radical et révolutionnaire de la fugue, de sorte que Beethoven pouvait à juste titre prétendre que l’œuvre était « tantôt libre tantôt recherchée » (en français dans le texte). Igor Stravinsky a même considéré qu’il s’agissait là « d’une pièce musicale absolument contemporaine, qui le restera à jamais ».

Après la décision de publier la fugue séparément en tant qu’opus 133, Mathias Artaria a de nouveau frappé à la porte de Beethoven pour obtenir une version pour piano à quatre mains, ce qu’il a tout d’abord refusé, considérant qu’il s’agissait là juste d’un travail manuel de transcription. Toutefois, Beethoven fut si mécontent d’un arrangement d’Anton Halm qu’il en créa finalement lui-même une version avec un numéro d’opus séparé, pour laquelle il demanda à l’éditeur des honoraires un peu particuliers, selon les indications mi-humoristiques, mi-sérieuses suivantes : « Premièrement, punition pénale consistant en 2 Klavierschulen de Clementi et 3 jolis tirages du portait de L. v. Beethoven / Deuxièmement, une amende pécuniaire pour ceci, cela et tout autre chose / Troisièmement, le manuscrit de cette réduction pour piano sera soit payé soit retourné à son auteur ».

 


Aufnahme auf idagio


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