Variations sur une mélodie populaire suisse

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour les six variations sur une mélodie populaire suisse en fa majeur.

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

« Un mot encore sur les chansons populaires. Elles sont vraiment pour le véritable artiste, qui commence à sentir les aberrations de son art, comme l’étoile Polaire pour le marin, qu’il observe pour se guider. Seules ces mélodies, comme la chanson suisse, sont de vraies mélodies populaires originales, elles sont émouvantes et remuent tout ce que le monde a de sensible, ce sont de véritables chants d’Orphée. » Peut-être est-ce un hasard si Beethoven a pris connaissance de ces paroles de Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) alors qu’il était encore à Bonn vers 1790 – elles sont imprimées dans la préface du petit recueil Frohe Lieder für Deutsche Männer (1781) et complétées par une mélodie de onze mesures avec le texte suivant : « C’était la fille d’un valet de ferme, qui portait le petit nom de Babeli, elle avait deux tresses qui étaient comme de l’or et Dursli était gentil avec elle ». Ce texte est écrit dans un suisse-allemand à peine compréhensible et le cahier nous épargne heureusement les dix strophes suivantes de cette histoire qui, comme tant de chansons folkloriques, parle d’un amour tragique poussant finalement le jeune homme à devenir mercenaire.

Mais ça, Beethoven ne le savait pas. Seuls la structure irrégulière (3+3+2+3 mesures) et les contours archaïques de la mélodie ont pu l’inspirer pour son travail d’écriture. Au début, il a ajouté une simple ligne de basse à la mélodie, puis il en a écrit six variations simples. L’œuvre est encore utilisée aujourd’hui dans les cours de piano. Cependant, l’instrumentation de la première édition publiée par Simrock à Bonn en 1798 semble étrange : « Clavecin, ou harpe ». Si la référence au clavecin est encore assez courante à l’époque (le passage vers le pianoforte émergeant s’est fait progressivement), la mention d’une harpe comme alternative est surprenante. Beethoven lui-même donne un indice au sujet de cette indication en 1796 dans une lettre au facteur de pianos Johann Andreas Streicher (1761-1833). Après avoir entendu la jeune Elisabeth von Kissow (1784-1868), née à Augsbourg, jouer sur un pianoforte, il écrit : « il est clair que l’art de jouer du piano est encore un des plus incultes à ce jour, on croit souvent n’entendre qu’une harpe, et je suis assez heureux qu’elle soit parmi les rares à comprendre et à sentir qu’on peut faire chanter ce clavier dès qu’on le maîtrise, j’espère que le temps viendra où la harpe et le piano seront deux instruments complètement différents. » L’indication de l’instrumentation insérée par l’éditeur semble donc correspondre à une pratique d’exécution encore assez répandue à l’époque.

 


Aufnahme auf idagio


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