Symphonie n° 3 « Héroïque »

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Héroïque ».

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

Beethoven savait depuis longtemps que la Révolution française, qui prônait la liberté, l’égalité et la fraternité contre l’Etat féodal, avait pris fin lorsqu’un éditeur de Leipzig lui fit une proposition, disons démodée. Pour une commanditaire (non nommée), il devait écrire une « sonate révolutionnaire » qui pourrait représenter les événements de manière programmatique, ou du moins les évoquer. Son refus, le 8 avril 1802, fut rempli d’indignation : « Messieurs, que diable me proposez-vous là ? — Ecrire une telle sonate au moment de la révolution, ç’aurait été imaginable, mais maintenant que tout essaie de se remettre sur les voies de l’ancien régime, que Bonaparte a signé un concordat avec le pape – une telle sonate ? – une missa pro sancta maria a tre vocis ou des vêpres, etc., ça passerait encore – aujourd’hui je prendrais même un pinceau – et écrirais un credo in unum avec de grosses notes – mais mon Dieu, une telle sonate – en ces temps de renouveau chrétien – hoho – laissez-moi en dehors de tout ça – rien n’en sortira […] ».

Il n’est pas possible de déterminer clairement comment Beethoven s’est réellement positionné par rapport à la politique de son temps ni même s’il a sympathisé avec les idées républicaines. À l’occasion de la mobilisation générale autrichienne de 1797, il compose, probablement désemparé face à la politique expansionniste française, un Chant d’adieu au citoyen viennois WoO 121 (à l’intention du corps des volontaires viennois), suivi d’un Chant de guerre des Autrichiens WoO 122 (1797). Quelques années plus tard seulement, Napoléon, en tant que premier consul, était tenu en très haute estime à Vienne : Beethoven était particulièrement enthousiaste à l’égard de sa clairvoyance d’homme d’État et du développement d’une société dotée de droits civils (y compris d’un Code civil toujours valable dans une large mesure aujourd’hui). Il a d’ailleurs même envisagé de s’installer à Paris.

Toutefois, après qu’on eut appris à Vienne que Napoléon s’était fait couronner empereur à Paris le 2 décembre 1804, Beethoven rejeta complètement ces plans idéalistes. C’est dans ce contexte que la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 change de dédicataire, comme le raconte Ferdinand Ries, un ami de Beethoven, dans une anecdote (loin d’être certaine) : « Dans cette symphonie, Beethoven avait pensé à Bonaparte, mais alors qu’il était encore premier consul. […] Moi-même, ainsi que plusieurs de ses amis proches, avons vu cette symphonie, déjà copiée en partition, étalée sur sa table, où, tout en haut de la page de titre, étaient écrits les mots ‹Bonaparte› et, tout en bas, ‹Luigi van Beethoven›, pas un mot de plus. J’ai été le premier à lui annoncer que Bonaparte s’était proclamé empereur, ce qui l’a rendu furieux et l’a fait s’exclamer : ‹Il n’est donc pas différent d’un homme ordinaire ! Maintenant, il va aussi fouler aux pieds tous les droits de l’homme, il ne fera que satisfaire son ambition ; il va s’élever plus haut, comme tous les autres, et devenir un tyran !› Beethoven s’est approché de la table, a saisi la page de titre en haut, l’a déchirée et l’a jetée par terre. La première page a été réécrite, et ce n’est qu’après cela que la symphonie a reçu le titre : ‹Sinfonia eroica›. »

Les événements historiques montrent que Beethoven avait vu juste. Car après que Vienne eut été occupée sans résistance par Napoléon le 13 novembre 1805, la ville ne fut reprise qu’après un tir d’artillerie lourde dans la nuit du 11 au 12 mai 1809. Beethoven passa ces heures dans la cave de son frère Kaspar Karl (1774-1815). Il aurait même recouvert ses oreilles d’oreillers pour protéger son ouïe déclinante.
 


Aufnahme auf idagio


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