Les hôtels ne paieront plus de droits d’auteur ?

Les 10 et 12 septembre, le Parlement suisse traitera des divergences subsistant dans la révision de la loi sur le droit d’auteur (LDA). Une idée qui désavantagerait les artistes suisses au profit des hôteliers en fait partie: les hôtels et les propriétaires de logements de vacances auraient le droit d’utiliser à titre commercial des œuvres protégées sans payer de droits d’auteur.

Photo: Pixabay

Les artistes suisses devront peut-être travailler gratuitement à l’avenir: les hôteliers et les propriétaires de logements de vacances mis en location ne paieraient plus de redevances de droits d’auteur bien qu’ils proposent à leurs clients des films et de la musique sur leurs appareils installés dans les chambres. Au lieu d’être équitablement rémunérés pour l’utilisation commerciale de leurs œuvres, les musiciennes et musiciens, les cinéastes, les actrices et acteurs ainsi que d’autres créatrices et créateurs culturels subventionneraient l’hôtellerie suisse par leur travail. Le Conseil national se penche sur la question le 10 septembre. Le Conseil des Etats avait décidé au printemps 2019 qu’il ne fallait pas donner suite à cette idée. 

Un compromis âprement négocié est en jeu
La proposition porte atteinte au compromis fragile et âprement négocié au sein du groupe de travail sur le droit d’auteur (AGUR 12). La revendication d’exonérer les hôteliers a (soudainement) surgi à un stade très avancé du processus de révision au Conseil national. Pour faciliter le compromis, les autrices et les auteurs ainsi que les titulaires de droits avaient toutefois consenti à beaucoup de concessions au préalable.
Un préjudice serait en outre créé: le Tribunal fédéral a jugé en décembre 2017 que la diffusion de programmes de radio et de télévision dans les chambres d’hôtel ou les logements de vacances loués continuait d’être sujette à redevance lorsque l’hôtelier ou le bailleur de logements de vacances met à disposition les appareils nécessaires à cet effet, tels que des téléviseurs ou des radios. Comme cette prestation est facturée aux clients, il ne s’agit pas d’une utilisation privée.

Le droit international serait violé: les créatrices et les créateurs suisses seraient désavantagés
L’article nouvellement ajouté à la LDA contreviendrait à la Convention de Berne, un traité visant à protéger les œuvres littéraires et artistiques. C’est pourquoi l’article ne pourrait être appliqué que pour les créatrices et les créateurs culturels suisses si la Suisse veut continuer à respecter ses engagements internationaux. Il s’agirait là d’une discrimination faite aux artistes suisses: ils n’obtiendraient plus aucune rémunération mais les hôtels devraient payer pour les œuvres d’artistes étrangers. Cette réglementation porterait également atteinte à d’autres accords internationaux : le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et l’Accord de libre-échange sur les ADPIC de l’OMC, ce qui pourrait conduire à des sanctions commerciales contre la Suisse.

Les cantons ne demandent rien de semblable 
L’article exonérerait également les hôpitaux et les prisons de la rémunération des droits d’auteur. Les institutions carcérales cantonales et les hôpitaux n’ont pas formulé de telles revendications. Cette proposition ne servirait donc qu’à créer une exception pour l’hôtellerie. La création culturelle subirait un préjudice de plusieurs millions de francs du fait d’une exception voulue par le secteur privé. 

En tant que représentantes des créatrices et créateurs culturels, les sociétés de gestion suisses regroupées au sein de Swisscopyright (ProLitteris, SSA, SUISA, SUISSIMAGE et SWISSPERFORM) invitent le Parlement à respecter le travail et les prestations des créatrices et créateurs culturels suisses et à rejeter la proposition. Ensemble, elles ont écrit une lettre ouverte à Andreas Züllig, président d’hotelleriesuisse, hôtelier et candidat PLR au Conseil national.
 

 

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