Marche militaire « Yorckscher »

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour la marche militaire n° 1 en fa majeur WoO 18 « Yorckscher »

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

La foisonnante vie musicale viennoise nous fait souvent oublier que la guerre faisait rage en Europe au début du 19e siècle, certes pas partout en même temps, mais durant des années. Ces troubles sont provoqués par Napoléon, qui combat d’abord contre l’Autriche, puis contre la Prusse et simultanément dans la péninsule ibérique, puis enfin contre la Russie et de nouveau contre les troupes alliées en Allemagne centrale. Le nombre de victimes de chaque côté se chiffre en centaines de milliers, même en millions au total. La Grande Armée à elle seule passe en quelques mois des 600 000 soldats à près de 10 000 hommes seulement. La victoire des troupes russes n’entrera dans l’histoire de la musique que des décennies plus tard, avec l’Ouverture solennelle 1812 de Tchaïkovski. Mais c’est immédiatement après l’événement que Beethoven compose un hommage bruyant à la bataille de Vitoria, en Espagne (1813), avec la Victoire de Wellington op. 91. En revanche, les nombreuses compositions de plusieurs contemporains pour la bataille décisive de Leipzig (1813) sont depuis longtemps tombées dans l’oubli.

Beethoven ne pouvait et ne voulait pas se soustraire aux exigences du « front patriotique » viennois et, en 1809/10, il soutient le moral des troupes par plusieurs marches. Celle en fa majeur (WoO 18) a été initialement écrite pour une petite fanfare, et dédiée à l’archiduc Anton Viktor Joseph d’Autriche et à son régiment « Hoch- und Deutschmeister ». Mais Beethoven prend une nouvelle décision et, dans le manuscrit, dédie ces quelques mesures à la « Bohemian Landwehr » (un régiment d’infanterie de réserve). Entre-temps, la marche a été utilisée comme musique de manège lors d’un dressage de cavaliers dans le jardin du château de Laxenburg, ce que Beethoven commente avec ironie : « Je vais voir si elle peut faire faire aux cavaliers d’habiles galipettes ». Cependant, la pièce acquiert sa renommée uniquement après sa publication en 1817/18 dans la collection de la Marche de l’armée royale prussienne en tant que « musique turque » – cette fois en hommage à une unité commandée par Ludwig York von Wartenburg, ce qui lui vaudra son nom de Marche « Yorkscher » sans aucune intervention du compositeur.

Musicalement, Beethoven a même anobli cette composition de circonstance. Le rythme en anapeste sur une seule note en constitue la cellule centrale. Il est suivi de séquences qui élargissent l’espace tonal de l’ouverture, d’abord à la seconde, puis à la quarte en passant par la tierce, tandis que le mouvement suivant est conduit mélodiquement de la quinte via la sixte jusqu’à la dominante. Dans la deuxième partie, après que le motif a été condensé, il se dissout – et contient des pauses plutôt dangereuses pour la synchronisation militaire.

Le fait que Beethoven ait ajouté un trio à cette marche en 1822/23 est resté largement oublié dans les représentations civiles de cette œuvre jusqu’à ce jour.
 


Aufnahme auf idagio


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